Le Commissaire aux services en français, Carl Bouchard, dévoile un Rapport 2024-2025 marqué à la fois par des avancées majeures et par des manquements persistants dans l’accès aux services en français partout en Ontario.

Chrismène Dorme – IJL – Le Métropolitain

Le 4 décembre, Carl Bouchard est revenu sur les résultats obtenus par l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman et alerte sur les domaines où des efforts restent à fournir pour que les droits linguistiques des francophones soient pleinement respectés.

Le rapport met en lumière plusieurs réalisations importantes, notamment la traduction en français du Code de prévention des incendies de l’Ontario, qui sera disponible pour la première fois en français à partir de janvier 2026. Ce code, qui existe depuis 1981, est un exemple concret de l’aboutissement des efforts pour garantir une offre active de services en français dans des domaines essentiels.

Carl Bouchard revient sur la signification de cet accomplissement : « La traduction du Code de prévention des incendies en français marque une avancée majeure. Elle montre que la volonté de respecter les droits des francophones est présente, mais il reste encore beaucoup à faire pour que ce type de service devienne la norme, et non l’exception ».

Du 1er octobre 2024 au 30 septembre 2025, l’Unité des services en français a reçu 315 plaintes et demandes de renseignements touchant des domaines très variés : services juridiques, signalisation routière, sites Web gouvernementaux, garderies ou encore communication publique. Pour le Commissaire, ces cas confirment un constat inquiétant : « Dans les dossiers sur lesquels je me suis penché, le gouvernement a systématiquement manqué à ses obligations ». Il rappelle qu’une recommandation fédérale concernant l’affichage public bilingue « est toujours à l’étude ».

L’un des défis majeurs que souligne le Commissaire reste la mise en œuvre systématique de « l’offre active ». Si des progrès ont été réalisés, la formation des employés demeure un obstacle à son application dans de nombreux organismes. « Il y a encore trop de situations où les francophones arrivent dans des bureaux gouvernementaux et se retrouvent face à des employés qui ne connaissent pas les exigences légales en matière de services en français, explique Carl Bouchard. C’est pourquoi j’ai recommandé que le gouvernement mette en place une formation obligatoire pour tous les agents de première ligne, qu’ils soient francophones ou anglophones. »

Une enquête en cours sur les succursales de ServiceOntario s’inscrit dans cette logique. Lancée en avril 2025, cette initiative a été déclenchée après des plaintes récurrentes concernant l’absence de services en français, souvent en raison de la méconnaissance des obligations linguistiques de la part des employés.

Le Rapport s’attarde aussi au Règlement 671/92, qui permet d’exempter certains organismes dans leurs obligations de publications linguistiques. Or, l’Unité des services en français a découvert plusieurs applications erronées, notamment dans des documents liés au transport en commun, à l’infrastructure ou à la santé publique.

« Je me suis rendu compte qu’il y avait une utilisation abusive de la possibilité d’exempter des services en français, ce que je trouve inacceptable », tranche M. Bouchard. L’absence d’encadrement clair est également pointée.

Les plaintes proviennent de plus en plus de la grande région de Toronto, ce que le Commissaire interprète comme un signe positif : « Cela montre l’intérêt des gens à avoir des services en français dans leur communauté ». Il note toutefois que le recrutement demeure un défi constant. « Nous serons toujours en situation minoritaire, mais cela ne doit pas nous empêcher de trouver des solutions innovantes », poursuit-il.

Lors de ses rencontres à travers la province — l’année 2025 marquant le 50ᵉ anniversaire du drapeau franco-ontarien —Carl Bouchard a été frappé par un constat récurrent : la difficulté de trouver des services en français. « Il est plus simple de trouver un restaurant qu’un service en français », d’où sa recommandation d’un répertoire numérique, aujourd’hui bien accueilli par le gouvernement fédéral.

Le Commissaire souligne que plus de recommandations ont été formulées ces dernières années, notamment en ressources humaines, en mesure de performance et en outils technologiques. Mais l’essentiel tient à la volonté politique, « le respect des obligations linguistiques est primordial. La Loi sur les services en français ne dépend pas de considérations financières », insiste-t-il.

Le Commissaire souhaite que le public retienne que chaque plainte peut réellement transformer le quotidien. Il cite l’exemple récent de deux étudiantes ayant réclamé l’accès en français au régime d’aide financière : « Le ministère a dû modifier sa politique. Cela fait une différence pour l’ensemble des francophones ».

Et de conclure, « la place du français en Ontario est forte et appelée à grandir. Plus, les gens nous contacteront, plus nous pourrons agir ».

Photo : Carl Bouchard (Crédit : Ombudsman Ontario)