Haïti est un pays que tous croient connaître, et il est vrai que l’actualité le ramène parfois à l’avant-plan pour toutes sortes de « mauvaises raisons ». Certains pourraient même en venir à se demander s’il y a déjà eu du bon dans l’histoire de cette nation affligée de mille manières. La réponse est affirmative et plusieurs leçons peuvent être tirées du parcours d’Haïti, tant de ses bons coups que de ses infortunes.
Pour cela, encore faut-il connaître réellement ce pays. C’est ce à quoi Frantz Célestin, un résident de Brampton, a voulu contribuer en écrivant Haïti – Le colon, le nègre et l’empereur, 1492-1806, publié l’an dernier aux éditions CIDIHCA. Haïtien d’origine, M. Célestin est détenteur d’une maîtrise en éducation de l’Université de Montréal qu’il a complétée d’un doctorat en éducation de l’Université autonome de Tamaulipas (Mexique) de même que d’une maîtrise en littérature de langue française de l’Université York de Toronto.
Dans les premières pages de son livre, Frantz Célestin ne fait pas mystère de ses intentions, soit de s’adresser plus particulièrement aux étudiants noirs et aux jeunes immigrants en général. L’auteur a pris conscience d’un besoin chez ces jeunes de découvrir leurs racines, de mieux connaître le pays de leurs parents – Haïti dans le cas présent – qu’ils n’ont souvent jamais foulé.
Le point de départ de cette réflexion fut la personne de Jean-Jacques Dessalines, un des Pères de l’indépendance de ce pays en 1804 et son premier chef d’État. Le début des années 2000 a été riche en anniversaires liés à ce personnage historique dont les exploits et le côté sombre ont alimenté les conversations.
« Ça a fait écho parmi les jeunes d’origine haïtienne. Il y a eu beaucoup de polémiques entre les Haïtiens eux-mêmes », relate M. Célestin, certains considérant Dessalines comme un héros, d’autres comme un tyran.
En écrivant un livre qui ne se circonscrit pas à la lutte pour l’indépendance (1791-1804) mais qui retrace également les origines de la colonie et du système esclavagiste à partir du moment où Christophe Colomb découvre l’île au nom de l’Espagne, Frantz Célestin a voulu montrer dans quel milieu avait grandi Dessalines, lui-même né esclave avec tout ce que cela comporte comme souffrance et humiliation.
Ce vécu explique sans doute en partie la violence dont il était lui-même capable, dont le massacre des Français, dans la foulée de l’indépendance, est la pierre angulaire des critiques qui sont aujourd’hui formulées à son endroit.
Un autre personnage, contemporain de Jean-Jacques Dessalines, lui dispute depuis deux siècles le premier rang dans l’estime des Haïtiens. « Toussaint Louverture est reconnu comme le plus grand et comme un grand gouvernant. C’était un génie. On l’appelait même le Spartacus noir » , explique M. Célestin, un surnom référant au leader de la plus grande révolte d’esclaves dans la Rome antique.
« Il voulait faire l’indépendance de façon intelligente. Il attendait et voulait préparer la population », poursuit l’auteur. Contrairement à Dessalines, Louverture, bien qu’esclave, avait joui d’une jeunesse sans grand traumatisme. Plus tard, il eut même la chance d’être affranchi, de s’instruire et de gravir l’échelle sociale, un parcours qui a peut-être façonné ses vues généralement modérées et qui lui a acquis l’estime des Européens. Hélas, ce chef militaire autodidacte, fer-de-lance de l’affranchissement des Noirs, est fait prisonnier et meurt en captivité en France en 1803.
Son lieutenant, Dessalines, mène la révolution à son terme et, quelques mois après l’indépendance, se fait empereur. Il est assassiné en 1806, le premier d’une longue suite de dirigeants haïtiens à être tués, renversés ou contraints à l’exil.
Comme plusieurs, Frantz Célestin voit dans l’oligarchie haïtienne corrompue la source du retard accumulé par le premier pays noir indépendant. Il croit cependant que son histoire peut servir de leçon, en particulier pour les nations africaines, car les Haïtiens ont fait preuve d’une grande bravoure et d’un esprit de résilience incomparable pour se libérer. Aujourd’hui, l’heure est à la réflexion pour comprendre ce qui a mal tourné et pour ensuite se retrousser les manches et réparer les erreurs du passé.
Pour vous procurer un exemplaire du livre, communiquez avec l’auteur par courriel à fcelestin34@yahoo.ca.