Parvenir à sensibiliser à l’histoire de l’explorateur Étienne Brûlé en cette année du 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario, dans une province majoritairement anglophone, aurait pu s’avérer difficile. Et pourtant, l’accueil fut bon et la tâche accomplie avec brio.

Ainsi, durant trois jours, la Société d’histoire de Toronto (SHT) s’est attachée à recréer l’itinéraire initial du grand homme, de Pumpkin Bay à Orillia le vendredi 11 septembre, puis de Gwillimbury Est à Aurora le lendemain avant de poursuivre, du Musée d’art canadien McMichael (Kleinburg) à Swansea, le dimanche 13 septembre. « La Société d’histoire voulait commémorer le 400e de manière créative, explique le président de l’organisme, Christian Bode. On a pensé au voyage initial d’Étienne Brûlé, de le faire en canot, mais personne ne nous aurait vus. Nous avons alors choisi un sentier pour que les gens se joignent à nous. » Il ne s’agit pas à l’évidence du « vrai » parcours d’Étienne Brûlé mais d’une version proche, symbolique, qui a permis à chacun des 14 marcheurs de se penser en 1615, à l’époque des pionniers. Au sein de cette bande de courageux, certains faisaient partie de la SHT et d’autres ont découvert le projet et s’y sont ralliés. C’est le cas notamment de Glenn Turner, auteur d’un livre sur le portage de Toronto, ainsi que de Philippe et Françoise Maury, un couple de Français qui résident à Champigny-sur-Marne, ville natale d’Étienne Brûlé.

Le vendredi, la troupe est donc partie à 8 h du matin en canoë du parc Couchiching à destination de la ville d’Orillia, où les attendaient 200 personnes environ, selon M. Bode. Des célébrations ont eu lieu en présence du maire et de plusieurs représentants autochtones. La suite du voyage s’est faite à pied, avec pour tout équipement des souliers de randonnée et des t-shirts gris pâle arborant l’écusson de l’expédition. Lorsqu’ils ont finalement atteints dimanche leur destination finale, le parc Lucy Maud Montgomery sur la rue Riverside à Toronto, les rues avoisinantes avaient été fermées à la circulation et l’après-midi fut dédiée à la célébration de l’histoire de l’Ontario. De nombreuses personnes en costumes d’époque s’étaient réunies : missionnaires, marchands britanniques. Même Lord Simcoe, sa femme et Étienne Brûlé étaient présents. De jeunes artistes avaient peint des pagaies et sont venus expliquer à la foule la signification des illustrations tandis que plusieurs aînés ont défilé à leurs côtés en portant les bannières canadiennes et britanniques.

« C’est un succès énorme, ajoute M. Bode, la Société d’histoire a de quoi être fière. Je le referais, mais comme participant. Comme organisateur, c’est difficile de tout coordonner. Trois jours, 130 km avec 20 à 25 organisations impliquées, c’est beaucoup de boulot. » 

Inimaginable pour lui au siècle dernier, cet évènement marque un tournant dans le rapport de l’Ontario à la francophonie : « Je suis à Toronto depuis 30 ans, dit-il. Si on m’avait dit que la ville célèbrerait l’arrivée des explorateurs français de cette façon, j’aurais répondu : « vous rêvez ». Personne n’a froncé les sourcils! C’est une nouvelle étape dans l’acceptation de la diversité culturelle et de la continuité de l’histoire. »

L’heure est au repos, mais déjà un nouveau projet pourrait s’amorcer dans les mois à venir : « Je sais que dans deux ans, le Canada fêtera le 150e anniversaire de la Confédération, conclut-il. Certaines personnes nous ont déjà approchés et nous allons nous pencher sur cette demande. » Compte tenu de la réussite du projet précédent, leur participation à l’élaboration d’un évènement aussi extravagant ne fait pas vraiment de doute.

Photo: Durant trois jours, la Société d’histoire de Toronto a recréé l’itinéraire de l’explorateur français.