« Au cours de l’été dernier, nous avons évité de peu une catastrophe économique d’une ampleur sans précédent depuis celle des années 1930 », affirme Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale du Canada et directeur général de Financière Banque Nationale.

Invité par le Club canadien de Toronto à l’occasion de son déjeuner du mois de février, cet éminent économiste, membre du prestigieux groupe Financière Banque Nationale qui compte parmi les tous premiers au monde en termes de prévisions économiques, estime que les Canadiens peuvent aborder les prochaines années avec confiance sans toutefois faire montre de complaisance.

Selon M. Marion, bien que la communauté européenne ait, semble-t-il, réussi à endiguer l’effondrement économique qui menaçait il y a environ six mois, que les États-Unis connaissent récemment une croissance et une reprise au niveau des emplois et des services, que les économies de pays émergents continuent à être en pleine expansion et que l’économie mondiale a crû de 3 % dans son ensemble, l’horizon n’est toujours pas bleu azur pour l’économie mondiale.

M. Marion rappelle que c’est grâce à une injection de fonds de la part des banques centrales que l’Europe a pu se sortir de graves difficultés financières. Selon lui, les Européens vont devoir réduire des avantages sociaux qu’il juge généreux, une mesure qui s’impose car le vieux continent subit aussi les effets d’une population vieillissante. Il fait remarquer à cet égard que les récentes promesses de Silvio Berlusconi de réduire l’impôt en Italie sont totalement illusoires.

Les États-Unis éprouvent toujours des difficultés dans le secteur de la fabrication. Même si les prix des maisons semblent remonter, ils demeurent cependant inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise immobilière de l’an passé. Certains indicateurs sont cependant au beau fixe depuis quelque temps. Le marché de l’emploi a connu un nouvel essor, particulièrement à ce qui touche les emplois permanents. M. Marion estime par ailleurs que les gouvernements, aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord, vont devoir s’attaquer à réduire l’endettement.

« Le Canada est le champion du calme plat parmi les pays du G7 », note avec allégresse le conférencier.

Grâce à des pratiques financières plus réglementées, surtout en termes de prêts immobiliers, les Canadiens n’ont pas subi les effets de la crise comme ce fut le cas en Europe et aux États-Unis. M. Marion souligne à cet effet que le gouvernement canadien a encore resserré les règles d’emprunt depuis la crise pour parer à toute éventualité. Il veut cependant rassurer ses concitoyens en ce qui concerne le marché de l’immobilier. Quant à lui, les prix des maisons pourraient baisser seulement un petit peu. Autre prévision encourageante, les taux d’intérêt devraient demeurer bas. Une démographie positive grâce à l’immigration augure bien pour la santé économique du Canada dans un proche avenir.

Toute analyse économique au Canada est impossible sans aborder la question du marché énergétique. C’est bien dans ce domaine, selon M. Marion, que le Canada va devoir être vigilant et faire preuve de perspicacité. Il insiste sur le fait que les États-Unis ont augmenté de 18 % leur production énergétique ces derniers temps. Ceci pourrait causer un véritable « choc énergétique » au Canada, surtout quand on sait combien notre pays dépend de ses exportations énergétiques vers son voisin du Sud.

« Les États-Unis pourraient devenir exportateurs de gaz naturel en 2020 », souligne, à titre d’exemple, M. Marion.

Stéfane Marion estime que le Canada va donc devoir élaborer dès maintenant une nouvelle politique qui prenne en compte une diminution en besoins énergétiques aux États-Unis et une augmentation de ces mêmes besoins dans les pays émergents. Il juge que notre pays ne peut pas faire fi de ces deux derniers facteurs, tout en reconnaissant que les questions environnementales ont aussi leur importance.

On entrevoit alors toute une réflexion à laquelle les Canadiens devront se livrer afin de maintenir un niveau de vie confortable et aborder les années à venir avec confiance.

Photo : Stéfane Marion