Les sociétés orientales font couler beaucoup d’encre dernièrement, tiraillées entre les conflits ethniques et religieux, tourmentées par l’extrémisme et la violence. Bien loin d’être épargné, l’Ouest réagit aussi à ces problématiques, vivant ces troubles au rythme des vagues de réfugiés et des réactions angoissées d’une partie de sa population. Pourtant, malgré le flot d’images dont les Canadiens sont quotidiennement abreuvés, peu connaissent véritablement l’histoire de ces contrées, leur diversité et les éléments qui ont pu mener à cette situation.
Le livre Farida du Canadien d’origine irakienne Naïm Katan est une œuvre de fiction retraçant l’histoire d’une jeune femme juive dans l’Irak de 1936. Un ouvrage qui illustre les relations entre les thèmes religieux, politique et culturel dans un pays ou la communauté juive était encore très présente à l’époque. Le professeur d’origine texane Norman Cornett, installé à Montréal et naturalisé canadien, s’est beaucoup impliqué dans la traduction et la promotion de l’ouvrage. Doctorant en histoire théologique et fasciné par le personnage de Lionel Groulx, il a toujours éprouvé cet intérêt pour le rapport entre le religieux et la culture et anime des rencontres dialogiques sur ces thèmes aux côtés de philosophes de renommée mondiale tel Charles Taylor. « Ce roman nous interpelle sur le rapport au religieux », explique M. Cornett.
De confession juive, né à Bagdad et résidant à Montréal, l’auteur Naïm Katan parle couramment arabe et hébreux et s’est inspiré d’une célèbre artiste du Moyen-Orient pour créer son héroïne Farida. « C’est un manifeste vivant du féminisme, ajoute M. Cornett. L’auteur a pris comme exemple la plus grande chanteuse de la région et la reine Esther de l’Antiquité. » Dans cette histoire, Farida tente de se libérer dans un monde d’hommes musulmans : « C’est un roman d’une grande actualité, et en même temps il s’agit de l’histoire de l’Irak avant le groupe État islamique, avant l’invasion américaine, avant Saddam Hussein. »
Traduit du français vers l’anglais par le professeur Cornett, le livre fut lancé à Toronto en grandes pompes au mois de juin et continue d’influencer la pensée canadienne, que ce soit à propos de l’affaire sur la possibilité de se couvrir le visage à la cérémonie d’attribution de la citoyenneté ou encore par rapport à la charte des valeurs québécoises.
Déconstruire la notion occidentale d’orientalisme est un thème important pour les deux collègues qui se contactent tous les jours. Ayant traduit les 4/5 du livre avant de partir s’occuper de sa défunte épouse, alors malade, Norman Cornett ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il s’attaque actuellement à la traduction des recueils de poésie de Larry Tremblay, dont aucune version n’existe dans la langue de Shakespeare.
Photo: Norman Cornett