L’Association des auteures et Auteurs de l’Ontario français (AAOF) a organisé à l’Alliance Française de Toronto, un débat sur l’écriture, au-delà de la page.

Si l’on cesse un instant de considérer la page comme un espace de liberté et le livre comme un moyen de l’accomplir, si l’on change de paradigme, on peut considérer l’écrit comme un carcan. Un carcan typographique dont on peut sortir par plusieurs biais et, parmi ceux-ci, le théâtre. Une fois sortie du carcan protecteur de la page, l’écriture change et se transforme au contact du monde. Que se passe-t-il, au cours de ce processus? Comment ces nouveaux espaces investis, et les acteurs (au sens large) qui les font, influencent le texte?

Pour répondre à ces questions, l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF) a convoqué, sous l’égide de son directeur Yves Turbide à l’Alliance française de Toronto, deux des auteurs de théâtre les plus en vue de la scène franco-ontarienne. Anne-Marie White et Claude Guilmain ont évoqué leur manière d’aborder l’écriture hors de son carcan. 

Anne-Marie White est Acadienne d’origine. Née dans un village côtier du Nouveau-Brunswick, elle a fait ses classes dans le théâtre à l’Université d’Ottawa, avant de poursuivre sa carrière dans la capitale. (Elle a également travaillé au Québec). Aujourd’hui, après avoir codirigé le théâtre La Catapulte et fondé celui de la Cabane Bleue, elle dirige le théâtre Trillium, avec beaucoup de succès. 

Quant à Claude Guilmain, il est profondément incrusté dans le monde du théâtre alternatif professionnel de Toronto, avec le théâtre de La Tangente, qu’il a longtemps dirigé et dont il est l’auteur de résidence. 

Les auteurs ont donc parlé « processus d’écriture », « retour du public » et « place des concepteurs. » Au théâtre de La Tangente, les « concepteurs » (c’est-à-dire les décorateurs, ingénieurs du son, éclairagistes, et costumiers) ont une place centrale dans la création et une influence certaine sur le texte. 

Dans le théâtre de M. Guilmain, l’écriture semble assez collective, même si ce processus est dirigé par l’auteur qui a le dernier mot et qui inspire la création. Tout le monde a son avis, et celui-ci est toujours pris en compte.

Mme White semble adopter une attitude différente. Si son écriture peut-être influencée « par une actrice ou un élément du décor », l’écriture est son affaire. « Je dis aux comédiens : « Vous n’avez pas à être intelligents, soyez créatifs. » C’est moi qui trouve le sens. » Elle pousse ses acteurs à improviser, mais c’est elle qui choisit ce qu’elle gardera de leurs improvisations. « Je me définis comme une trieuse d’accidents. » M. Guilmain opine : « L’erreur, l’accident, va provoquer la chose que tu cherches. » 

Dans les deux cas, l’écriture reste une chose personnelle, intime. Qu’advient-il lorsqu’elle sort de la mise en scène décidée par l’auteur? « Ce serait intéressant qu’une autre compagnie monte un de mes textes », admet M. Guilmain. « Je verrais ce que ça vaut. » Une expérience qu’a déjà vécue Mme White, puisqu’elle a vu une de ses pièces montée à Limoges, dans le Limousin, en France. « Le ton était très différent de ma pièce à Ottawa, beaucoup plus léger. J’ai beaucoup aimé. »

Pour la quinzaine de spectateurs, c’était une discussion intéressante, quoiqu’un peu technique, mais qui a également permis d’avoir un léger aperçu sur cette chose fascinante et étonnante qu’est la création artistique.