S’il est coutume de rencontrer des Canadiens sillonner le paysage français pour retrouver les traces d’un ancêtre ou bien d’un personnage célèbre de l’histoire de la Nouvelle-France, il est relativement plus rare de rencontrer un Français faire la même chose dans le sens inverse. C’est pourtant le cas de Philippe Maury. Venu de Champigny-sur-Marne, une petite ville de 80 000 habitants située à seulement quelques kilomètres à l’est de Paris, M. Maury était de passage à Toronto pour refaire le même voyage qu’un autre Campinois effectua il y a maintenant quatre siècles. Ce dernier est bien connu des Torontois, puisqu’il s’agit de nul autre que l’explorateur Étienne Brûlé.
N’allez pas penser que le nom du compagnon d’exploration de Champlain est aujourd’hui sur toutes les bouches des Campinois. Loin de là, puisqu’il figure en tout et pour tout dans une simple petite ruelle, étroite et bordée d’un long muret, la rue Étienne-Brûlé. Celui qui fut un des premiers explorateurs français à se rendre sur les bords des Grands Lacs est pratiquement tombé aux oubliettes de l’histoire dans son pays d’origine. Les Campinois se remémorent probablement plus aisément le nom des nombreux artistes, sportifs et hommes politiques qui ont séjourné dans leur ville.
Étienne Brûlé fut-il le premier Blanc à descendre la rivière Humber jusqu’aux rives du lac Ontario? Certains historiens et des manuels scolaires l’ont affirmé pendant un temps. Aujourd’hui, beaucoup émettent des doutes et pensent que pour rejoindre Champlain il aurait en fait contourné le lac en prenant un chemin plus à l’ouest.
De son passage à Champigny-sur-Marne, on connaît aussi peu de choses. Contrairement à Champlain, Étienne Brûlé n’a laissé aucun écrit. Dans les registres, on a bien retrouvé des documents qui témoignent de plusieurs baptêmes célébrés à Champigny, celui de son frère Roch notamment, et du fait qu’Étienne Brûlé fut choisi comme parrain à plusieurs reprises. On apprend qu’il était fils de viticulteur et qu’il se rendait au marché de Paris pour y vendre sa cargaison de vin. C’est là, sans doute qu’à l’âge de 16 ans, qu’il fit la rencontre d’un recruteur qui finit par le convaincre de monter à bord du bateau de Champlain. On sait qu’Étienne Brûlé revint à Champigny au moins deux fois, profitant sans doute d’une pause dans ses aventures en Amérique du Nord pour régler quelques affaires. Les archives indiquent qu’il laissa à son frère Roch le soin de s’occuper de ses biens lors de son premier voyage au Canada, mais que cette tâche fut toutefois confiée à un notaire du roi par la suite. De plus, les mentions « traiteur » puis « marchand » sont apposées tour à tour au nom d’Étienne Brûlé, signe révélateur d’une ascension dans l’échelle sociale de l’époque. Vivant souvent « à la sauvage » parmi les Premières nations, Étienne Brûlé sut manifestement faire fructifier son commerce personnel.
Mis à part la petite église médiévale Saint-Saturnin, Étienne Brûlé ne reconnaîtrait peut-être rien du village qu’était Champigny au XVIIe siècle. Il retrouverait cependant la cuve des fonts baptismaux où il fut béni à la naissance. D’une quelconque maison familiale ou bien d’un lopin de terre ancestral, aucune trace n’apparaît aujourd’hui. Il reconnaîtrait à peine la Marne qui forme toujours un large méandre à la hauteur de Champigny.
« Il est fort probable qu’Étienne Brûlé ait navigué sur la Marne durant ses jeunes années. Était-ce là le signe précurseur d’une carrière d’aventurier? », aime à penser Philippe Maury. Il estime qu’Étienne Brûlé pourrait bien donner son nom à une base nautique sur la Marne, lui qui explora des milliers de lieues à la pagaie.
Membre de la Société d’histoire de Champigny, Philippe Maury compte bien revenir à Toronto en 2015 pour participer aux commémorations du passage de Champlain en Ontario. On annonce cette fois l’arrivée du maire de Champigny-sur-Marne!