Richard Caumartin

Les immigrants francophones apportent non seulement du soutien au marché de l’emploi bilingue, mais aussi des talents uniques à leur culture et à leur expérience de vie. C’est le cas de Nataly Farha, immigrante libanaise que Le Métropolitain a rencontré en novembre dernier lors du banquet des paroisses Saint-Louis-de-France et Saint-Frère-André.

Arrivée au Canada en septembre 2021, Mme Farha y poursuit sa passion de recycler les vieux meubles et leur redonner une identité. Dans son pays natal, elle était décoratrice d’intérieur.

« Quand j’étais au Liban, j’ai commencé à me servir de ma sensibilité artistique et de ma créativité pour redonner vie à de vieux meubles dont les gens voulaient conserver la mémoire, raconte-t-elle. Lorsqu’un de vos proches meurt, vous sentez que le seul lien qui vous reste avec cette personne est la chaise sur laquelle elle s’assoyait, la commode dans laquelle elle rangeait ses vêtements et lorsque vous en ouvrez le tiroir, vous pouvez encore sentir son odeur. Alors quand ils meurent, vous vous accrochez à ces souvenirs », explique Mme Farha.

En entrevue, elle a raconté avoir trouvé une petite table de nuit qui n’appartenait à personne mais elle la trouvait belle, alors elle l’a emportée. Cette table avait deux niveaux et, sur celui du haut, il y avait une grande et ronde brûlure noire. En enlevant le tiroir pour le nettoyer et le peindre, elle y a trouvé de vieux papiers jaunis.

« Je ne comprenais pas ce qui était écrit. Je me suis informée et c’était de l’arménien. Il y avait cinq feuilles que je possède encore et lorsque j’ai demandé à un Arménien de traduire le document, il m’a dit qu’il s’agissait de prières de deuil datant de la guerre civile au Liban en 1975 ou en 1989. J’ai alors figuré que le cercle noir était probablement dû à une chandelle brûlée », indique-t-elle.  

Même si elle ne connaît pas l’historique de chaque meuble auquel elle redonne vie, Mme Farha trouve toujours des indices qui l’inspirent et lui donnent comme objectif de trouver une nouvelle demeure pour la pièce de mobilier en bois.

« Je ne vois pas ces vieux meubles comme des objets mais plutôt comme des façons de préserver la mémoire d’une personne décédée. Je suis heureuse du fait que chaque fois que je travaille sur un nouveau morceau, il se vend. Je ne travaille pas d’une manière commerciale, chaque morceau est unique », insiste Nataly Farha qui habite aujourd’hui la région de York.

Par le biais de son art, elle a rencontré beaucoup de gens et chacune de ces rencontres fait partie de l’histoire qu’elle essaie de perpétuer en rénovant ces vieux meubles. Par exemple, elle a partagé les prières arméniennes avec la personne qui a acheté la table de nuit.

Son travail n’est pas simplement orienté sur la restauration de vieux articles, mais aussi autour des personnes qu’elle rencontre et avec qui elle partage une partie de son âme. « Les gens me reprochent de ne pas être assez visibles sur les médias sociaux ou de ne pas faire assez de publicité. Quand je peins, je suis ailleurs. Je me concentre sur les sentiments, les vibrations que je ressens pour chacune de mes œuvres. C’est un processus nécessaire pour moi », ajoute l’artiste libanaise.

« Le bois est un matériel vivant. Si vous le traitez avec respect, il vous le rend bien. Le bois respire, sous toutes formes de climats, et même après l’avoir séparé de son tronc pour en faire un meuble, il vit toujours. C’est primordial pour moi de sauver ces pièces de bois et les faire revivre dans une nouvelle famille. L’argent n’est pas tout dans la vie, j’aime mieux prendre un profit moindre et m’assurer que les clients qui achètent l’une de mes pièces repartent heureux », conclut-elle.

Les œuvres de Nataly Farha sont uniques, originales et disponibles sur son site internet craftedtreasuresbynataly.com ou sur Facebook.

Photo : Originaire du Liban, Nataly Farha redonne vie à de vieux meubles.