Dans le monde des textiles et de la haute couture, on ne fait pas parfois à demi-mesure. À travers une quarantaine de pièces de collection, l’exposition MÉGA, ouverte depuis le 3 novembre au Musée royal de l’Ontario, témoigne de la place prépondérante accordée aux textiles par les grandes civilisations. Robes, chaussons, bottes, tentures et rideaux venus des quatre coins du monde rivalisent en créativité, minutie ou taille. En entrant dans la Galerie Patricia Harris des textiles et du costume , le visiteur est confronté à la splendeur et l’élégance de la robe-manteau « Passage N° 5 », issue de la collection Dior du printemps-été 2011.
Au-delà des 166,5 mètres de tissu et des 500 heures de travail nécessaires à sa confection ainsi que les remarquables techniques employées, cet article a pris une autre dimension puisque son créateur, John Galliano, a dû quitter la maison Dior en mars 2011, suite à des propos antisémites proférés dans un bar parisien par le célèbre couturier britannique. Ce malencontreux événement, qui a beaucoup secoué le monde de la haute couture au printemps 2011, n’entame cependant en rien la beauté de la robe.
Quelques pas plus loin mais en même temps à l’autre bout du monde, trois paires de chaussures minuscules et brodées de soie nous rappellent qu’on bandait les pieds des jeunes filles au temps de la Chine impériale. Dès l’âge de trois ans, on faisait subir ainsi ce supplice à la fillette afin que ses pieds ne dépassent pas 7,5 cm une fois devenue adulte. Adouée d’un tel signe d’érotisme et forcée de marcher à très petits pas, elle pouvait alors trouver plus facilement un mari. Là encore, malgré ces traitements abusifs à l’égard des jeunes princesses, l’observateur ne peut qu’admirer les vives couleurs des fils de soie et la délicatesse du travail.
Comment aussi ne pas être intrigué par une paire d’énormes bottes de cocher, totalement rigides, faites de cuir, de bois, de fer, de métal et de goudron? Ces bottes étaient censées protéger les pieds et les jambes du postillon des chocs que pouvaient lui asséner les flancs des chevaux ou bien les timons. Le brave homme ne devait pas être capable de marcher bien loin, chaussé de la sorte!
Ces écoles textiles dispersées à travers les âges et le monde ne sont pas non plus sans s’imprégner les unes des autres. Vivienne Tam, styliste américaine et d’origine et d’inspiration chinoise, s’est inspirée d’une robe d’un empereur chinois du XVIIIe siècle, pour confectionner une splendide robe du soir faite de soie imprimée de façon numérique. Exposée à deux extrémités de la galerie, on retrouve des motifs similaires dans les deux robes.
« C’est le souhait de vouloir montrer nos grosses pièces qui nous a amené à mettre sur pied cette exposition », explique Alexandra Palmer, conservatrice du costume et de la mode au Musée royal de l’Ontario. Ces véritables chefs-d’œuvre ne sont pas en permanence accessibles aux yeux du grand public. Leur fragilité empêche certaines d’être exposées pendant une période de plus d’un an. Si quelques-unes appartiennent au musée depuis longtemps, d’autres sont des acquisitions récentes, comme « Passage N° 5 ».
« Chaque pièce est importante, à un titre ou à un autre », affirme Monique Wernham, bénévole francophone au musée. En effet, si certaines sont « mégas » par leur taille, d’autres le sont aussi grâce au renom de leur créateur, leur valeur monétaire ou même dans certains cas le scandale qui s’est créé autour d’elles.
Qu’ils soient de l’Inde, de France, du Pérou ou de Chine les créateurs se sont ingéniés à utiliser une multitude de techniques et de matériaux différents, tous à la recherche perpétuelle de l’esthétisme et un souci profond pour le détail.
L’exposition MÉGA se poursuit jusqu’à l’automne 2013. Le Musée royal de l’Ontario offre des visites en français tous les jours à 14 h, sauf le mardi. Une visite supplémentaire se fait le vendredi à 17 h. Pour de plus amples renseignements, consultez www.rom.on.ca/fr.
Photo : Un soulier chinois minuscule et une botte géante de coche.