« En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté, mais il repoussera, car ses racines sont profondes et nombreuses », aurait déclaré Toussaint Louverture le 7 juin 1902 alors qu’il venait de monter à bord du bateau qui l’exilait à tout jamais de son île, terre aujourd’hui connue sous le nom d’Haïti dans sa partie occidentale et la République dominicaine à l’Est. Il ne croyait en fait pas mieux dire. Ses mots menèrent non seulement à l’indépendance de la première république de population majoritairement noire un an et demi plus tard, mais adressèrent par la même occasion un coup de semonce aux puissances coloniales installées aux Amériques. Un certain nombre de personnes estiment toutefois que Toussaint Louverture ne jouit pas de nos jours de la reconnaissance qui lui est due.
Dave Champagne, un jeune Torontois d’origine haïtienne, se range de cet avis. En organisant tout récemment une soirée de poésie, de chansons et de discours en hommage à la mémoire du chef de la révolution haïtienne, Dave Champagne souhaitait corriger cette erreur et poser les premiers jalons d’une campagne pour instaurer un jour de l’année en son honneur.
Des personnalités de la communauté haïtienne furent invitées à témoigner de leur admiration pour celui que certains appellent le Spartacus noir. L’auteure et professeure Marlène Thélusma, le consul honoraire d’Haïti à Toronto le Dr Éric Pierre, l’ambassadeur d’Haïti au Canada Frantz Liautaud et la présidente de l’organisation Ontario Black History Society la Dre Rosemary Sadlier retracèrent les grandes lignes du parcours de Toussaint Louverture. Des morceaux de musique joués par le musicien Jaffa et un poème de Gabriel Osson lu par Barbara Dorsaint ajoutèrent une touche artistique à la soirée.
Petit par la taille, Toussaint Louverture fut grand par l’action. Rien ne laissait sans doute présager que cet esclave domestique de la région du Cap d’Haïti allait s’élever jusqu’au rang de capitaine général de Saint-Domingue, la plus haute distinction de l’administration française dans la colonie. Il parvint tout d’abord à s’affranchir de son maître, à apprendre à lire et à écrire, à diriger une plantation de café puis à mener une insurrection des esclaves noirs sur l’île. Son combat pour la liberté en Haïti le vit s’allier aux Espagnols puis à la République française. Fin tacticien, Toussaint Louverture réussit l’exploit de battre les deux plus grandes armées de l’époque, celles de l’Angleterre et de la France.
Sa fulgurante ascension le mena aussi à sa perte. Dans ses lettres à Bonaparte, il s’adressait en ces termes : « Du premier des Noirs au premier des Blancs ». Les grandes puissances coloniales virent d’un très mauvais œil qu’un ancien esclave daigne vouloir traiter ainsi d’égal à égal avec eux. Craignant que l’émancipation du demi-million d’esclaves noirs puisse un jour mettre à mal le commerce florissant de café et de sucre qu’exerçait la France dans sa plus riche colonie, Bonaparte résolut de déporter ce chef trop encombrant. Toussaint Louverture mourut le 7 avril 1803 dans une prison en France.
Le combat de Toussaint Louverture ne fut pas vain et s’étendit bien au-delà des côtes de Saint-Domingue. La graine semée par ce libérateur des noirs finit par germer à travers toute l’Amérique. Ce succès a fait de Toussaint Louverture une des figures emblématiques de l’ère moderne. C’est justement la raison pour laquelle les Haïtiens de Toronto militent pour la création du Jour de Toussaint Louverture.
Photo : Les Haïtiens