Richard Caumartin

La communauté francophone du Grand Toronto est confrontée à d’importants défis en matière d’accès aux services en santé mentale. Les barrières linguistiques, l’isolement social, la stigmatisation et le manque de ressources adaptées créent des obstacles significatifs. Selon le directeur général de l’Entité 3, Constant Ouapo, « il était impératif d’explorer le contexte actuel, de mettre en lumière les défis spécifiques et d’implanter une stratégie francophone commune pour surmonter ces obstacles ».

C’est pourquoi l’Entité 3, en collaboration avec l’Entité 4 et la Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO), ont organisé un forum, le 28 mars au Manoir Glendon de l’Université York, ayant pour thème Accès aux services de santé mentale pour les francophones du grand Toronto : briser l’isolement social. L’animatrice du forum était Marie-France Lefort. D’entrée de jeu, le principal du Collège universitaire Glendon, Marco Fiola, a souhaité la bienvenue aux participants. Il a confirmé que Glendon et l’Entité 3 travaillaient de plus en plus sur des projets communs et qu’il était « heureux de soutenir le forum, une autre facette de leur engagement en matière de santé mentale pour les francophones de Toronto ».

Le président de l’Entité 3, Patrick Padja, le commissaire aux services en français de l’Ontario, Carl Bouchard, et les directions générales de la FARFO et de l’Entité 4, Michel Tremblay et Oureye Seck, ont à tour de rôle résumé leur rôle et parlé de leurs attentes dans ce dossier de la maladie mentale. 

« Les barrières linguistiques représentent un obstacle majeur, limitant l’accès à des services de soutien crucial en raison du manque de professionnels francophones et de ressources en français, affirme Antoine Dérose, consultant en santé mentale et professeur au Collège Boréal.

« De plus, l’isolement social, particulièrement répandu parmi les groupes vulnérables, aggrave les problèmes de santé mentale en entravant l’accès aux réseaux de soutien essentiels. Les préjugés persistants entourant les troubles mentaux alimentent la stigmatisation freinent la recherche d’aide et détériorent le bien-être psychologique.

« Un déficit de sensibilisation au sein de la communauté francophone retarde la reconnaissance des signes de problèmes de santé mentale, entravant ainsi les actions d’intervention précoce. Les disparités dans l’accès aux services de santé mentale créent des inégalités majeures, tandis que le manque de ressources dédiées compromet la capacité à répondre adéquatement aux besoins de la communauté », soutient M. Dérose.

Celui-ci a énuméré quelques facteurs qui causent la majorité des troubles de santé mentale et diminuent les capacités d’adaptation d’une personne lorsqu’elle vit un moment « particulièrement difficile ». Il a aussi décortiqué les types de problèmes de santé mentale pour l’auditoire.

Son allocution a été suivie de celle d’Aliou Sène, conseiller principal au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), qui a abordé le thème des défis d’accessibilité aux soins de santé mentale et dépendances. Parmi les pistes de solution proposées, il a souligné que le système de santé devra « tenir compte des besoins des francophones, cartographier la capacité des services, renforcer la responsabilisation et l’accompagnement des fournisseurs de services de santé et organiser des forums de discussion sur les enjeux et l’amélioration de la collecte des données ». Pour les fournisseurs de services, il faudra « créer plus de postes de navigateurs des services en français (SSF), et exploiter les avancées technologiques pour améliorer l’accès aux SSF ».

Antoine Dérose est revenu au podium pour expliquer que la solitude joue un grand rôle en santé mentale, et plus particulièrement chez la population immigrante francophone. « Plus d’une personne sur cinq déclarent se sentir souvent ou toujours seules, dit-il. Si l’isolement social et la solitude existaient déjà avant la COVID, les confinements successifs et les autres mesures de distanciation sociale ont intensifié un problème déjà sérieux. L’isolement social va au-delà du sentiment de solitude : il peut nuire à votre santé mentale et être à la fois une cause et un symptôme de troubles psychologiques. »

Le consultant en santé mentale a ensuite donné quelques conseils de médecins pour surmonter les effets de l’isolement social tels que pratiquer une activité physique pour rehausser l’humeur et réduire les symptômes dépressifs et anxieux, utiliser les transports en commun et demander de l’aide à la famille, un ami ou un médecin.

La rencontre s’est poursuivie avec une présentation de Kristine Kjeldsen de l’organisme The Access Point, un point d’accès centralisé pour des services de santé mentale individualisés qui donne un accès simplifié à plusieurs services avec un seul formulaire et un processus de demande.

The Access Point a été créé pour réduire les barrières d’accès et réduire la duplication de services. L’organisme est partenaire avec le Centre francophone du Grand Toronto et l’Association canadienne pour la santé mentale de Toronto pour le programme Passages, qui inclut la navigation de services et gestion de cas intensifs en santé mentale pour la communauté francophone.

Bref, une tonne de renseignements utiles que se sont partagés les différents intervenants et organismes participants qui, d’un commun accord, travailleront à une stratégie commune pour faire face à ces défis complexes. « Une telle approche renforce la solidarité, optimise les ressources, élimine les redondances, amplifie la voix collective, personnalise les solutions, encourage la sensibilisation et s’aligne sur les initiatives gouvernementales. L’Entité 3 s’est engagée dans une approche stratégique globale pour adresser ces défis avec ses partenaires communautaires », conclut Constant Ouapo.

Photo : Les intervenants au Forum sur les services de santé mentale de l’Entité 3. De gauche à droite : Jeanne Françoise Mouè, Yves Danteu, Kristine Kjeldsen, Michel Tremblay, Solange Belluz, Patrick Padja, Constant Ouapo, Oureye Seck, Geneviève Quintin, Antoine Dérose et Aliou Sène