Qu’est-ce que l’on peut faire pour que les francophones aient leur place en Ontario? Cette question fondamentale était au cœur des débats le 22 mars lors de la conférence animée par Félix Corriveau et organisée par le Centre francophone en collaboration avec l’Office des affaires francophones, le Bureau du Québec à Toronto et le Collège Boréal.
L’année 2015-2016 a vu un nombre record d’immigrants au Canada soit 320 000. La province a bénéficié de cet essor et est considérée comme celle qui attire le plus grand nombre d’arrivants francophones. Toronto, quant à elle n’est pas en reste. Presque la moitié des francophones de la capitale ontarienne sont nés à l’étranger.
« L’immigration francophone va jouer un rôle clé dans la natalité francophone en raison de la baisse marquée de la natalité et du taux accru de vieillissement », indique Mohamed Ghaleb, gestionnaire, Enquêtes et vérifications au Commissariat aux services en français de l’Ontario.
L’Ontario doit ainsi faire preuve de leadership en matière d’accueil, de recrutement, de formation des nouveaux arrivants. La Province a entrepris pas mal de mesure au cours des dernières années pour améliorer ses services aux francophones.
« On a demandé que la Province travaille avec le Fédéral afin d’atteindre la cible des 5 % d’immigration francophone », ajoute le gestionnaire.
De plus, le fait que l’Ontario soit devenu membre observateur à l’Organisation internationale de la Francophonie devrait l’aider à recruter plus de francophones. Pour Lise Marie Baudry, directrice générale du Centre francophone de Toronto, « c’est une occasion extraordinaire de pouvoir faire grandir le profil de la francophonie ontarienne sur l’échiquier mondial ».
La prochaine étape sera que l’Ontario devienne membre permanent, ce qui donnerait à la Province plus de pouvoir. Mais pour ce faire, il faudra avoir l’aval du gouvernement fédéral.

Une plus grande autonomie
Autre point important pour les différents intervenants : l’Ontario devrait acquérir plus d’autonomie concernant le processus d’immigration. Pour Raoul Boulakia, avocat en immigration, « si l’Ontario demandait un plus grand rôle et faisait une entente avec le gouvernement fédéral pour se donner plus de pouvoir concernant l’immigration, alors la Province pourrait faire une plus grande promotion de l’immigration francophone ». On observe plusieurs blocages dans le système fédéral et notamment au niveau de l’immigration des réfugiés et l’Ontario aurait un intérêt à travailler sur cela, selon M. Boulakia.
C’est pourquoi, il faut que l’Office des affaires francophones cesse d’être un portefeuille junior et que les droits des francophones soient élevés au niveau ministériel. « Il est temps que les Affaires francophones soient élevées au niveau ministériel, ce qui donnerait au ministre en poste beaucoup plus de pouvoir pour transiger avec ses collègues, notamment sa collègue au niveau de l’immigration », mentionne Lise Marie Baudry. L’Ontario n’aura jamais la même autonomie que le Québec, mais « on peut obtenir beaucoup mieux que ce qu’on a en ce moment », ajoute-t-elle. Il est donc nécessaire que les francophones de l’Ontario se
mob ilisent.
La Ville de Toronto va jouer un rôle de plus en plus grand dans la francophonie ontarienne. Statistique Canada prévoit que d’ici 2020, le poids démographique de la communauté franco-ontarienne va se déplacer de l’est au centre sud de l’Ontario, c’est-à-dire dans la région du Grand Toronto.
Mme Baudry confirme : « C’est à nous de prendre le leadership provincial des dossiers qui sont importants pour nous ».
Les francophones bénéficient de nombreux services en français à Toronto. Dada Gasirabo, directrice générale de Oasis Centre des femmes relativise : « On n’a pas tout comme service mais on a beaucoup plus que d’autres communautés ».
On peut parfois entendre des gens se plaindre sur l’absence de quartier francophone à Toronto et la raison est simple. Il n’existe pas de communauté francophone, mais des communautés francophones. Selon Mme Baudry, « la francophonie à Toronto est hétérogène; c’est une richesse que l’on doit exploiter ».
Les choses bougent en matière d’immigration francophone en Ontario et à Toronto en ce moment. Les trois paliers de gouvernement (provincial, fédéral et municipal) sont très ouverts par rapport à la francophonie, ce qui est rare », conclut la directrice du Centre francophone.

De gauche à droite : Lise Marie Baudry, Dada Gasirabo, Mohamed Ghaleb, Marjie Brown et Raoul Boulakia.