Vieille comme le monde, la thérapie par le rire reste une valeur sûre pour dépasser le stress et la peur. Un nouvel exemple en a été donné le samedi 2 mars, lors du spectacle « Rire contre le racisme » organisé par La Passerelle I.D.É. (Intégration et Développement économique) au Théâtre français de Toronto.
Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs 2013, et alors même que le Canada est reconnu pour son multiculturalisme, il est toujours aussi crucial de revenir sur le racisme latent, les petites brimades de tous les jours, la peur de l’autre souvent poussée par une simple méconnaissance.
« Nous avons voulu célébrer le Mois de l’histoire des Noirs de manière particulière en organisant « Rire contre le racisme », explique Rajaa Razafiarisoa, la responsable communications et événementiels pour La Passerelle I.D.É. On a voulu toucher des sujets de société importants avec une touche d’humour tout en faisant passer un message d’éducation à travers plusieurs saynètes, de la danse et de la musique. »
Alors qu’il aura fallu attendre 1995 pour que le gouvernement canadien reconnaisse février comme le Mois de l’histoire des Noirs, il est important que les jeunes n’oublient pas pour mieux construire l’avenir. « Célébrer l’histoire des Noirs est une belle leçon pour l’ensemble de l’humanité, déclare Léonie Tchatat, directrice générale de La Passerelle I.D.É.Notre événement présente une vingtaine de jeunes qui prennent le flambeau de cette tradition. Le spectacle de ce soir est surtout un tissage de liens, une création de ponts qui nous unit et qui, sans oublier le passé, est ancrée dans le présent pour bâtir ensemble l’avenir de nos rêves, guider de notre passion et de l’envie d’un lendemain juste et harmonieux. »
Après l’hymne canadien chanté par Sendy Fortilus, Emma Jean-Pierre et Marie-Pierre Zabandora, le public accueille le maître de cérémonie pour ce soir, Uncle Fofi.
Algérien élévé en France avant de poser ses valises à Montréal, Uncle Fofi a le verbe haut et la langue bien pendue. Enfant de l’immigration, il se sert des clichés pour mieux mettre en lumière le racisme de tous les jours. L’autodérision est de mise car tout le monde en prend pour son grade.
Pour lancer la soirée, Uncle Fofi teste la température de la salle avec « l’exercice de rire ». Mimant le rire allemand tout en « h », le français coincé ou la jeune adolescente gênée, le comédien met directement le public en poche : le spectacle est à peine commencé que la salle rit déjà aux éclats. Les jeunes comédiens amateurs qui interprètent les différentes saynètes prennent alors place sous les projecteurs. « Arrestation policière » sur le thème de l’abus de pouvoir et des apparences trompeuses, « Couple mixte » et la difficulté pour une mère africaine d’accepter que son fils sorte avec une « Barbie » blanche, « Alerte à la bombe » qui stigmatise le regard des gens par rapport à « l’arabe » (qui, dans ce cas-ci, se trouve être sikh) et « Marie-Josèphe Angélique » abordant le problème de la rumeur, les quatre pièces sont jouées avec candeur et naturel par les acteurs en herbe.
Le talent et la verve d’Uncle Fofi gardent la salle bouillante tout le long du spectacle. L’excellent « Cliché News » nous apprend, entre autres, qu’aux États-Unis, même si le président est noir, la Maison sera toujours blanche. Uncle Fofi attrape par deux fois sa guitare pour de grands moments de chanson française : un flamenco sauce couscous et un poème montréalais revu par le comédien habillé en spermatozoïde (« le seul moment où l’on a tous la même couleur transparente ») déclenchent des vagues de rire communicatif.
De musique, il sera question à la fin du spectacle quand Antonio Dias, casquette des Miami Heat et Nike Air Jordan rutilantes aux pieds, entame « Chaque jour je recommence » sur l’instrumentale de Hustlin de Rick Ross. Les mains se lèvent dans le public, une vieille enseignante bouge la tête comme une vraie b-girl, image splendide d’une compréhension interculturelle et intergénérationnelle complète. « Rire contre le racisme » voulait faire rire et réfléchir : mission accomplie.
Photo : Uncle Fofi