Évènement printanier d’importance, le festival du film Hot Docs revient cette année avec son lot de productions cinématographiques originales et ses conférences. Une douzaine d’œuvres d’origines diverses seront proposées aux intéressés du 23 avril au 3 mai au Bloor Hot Docs Cinema situé au 506, rue Bloor Ouest.
Parmi cette alléchante sélection, deux bobines en français se font remarquer. Tout d’abord, Le Profil Amina de la réalisatrice Québécoise Sophie Deraspe qui effectue là sa première torontoise. L’histoire suit les mésaventures d’Amina Arraf, bloggeuse syrienne-américaine homosexuelle qui entretient une relation avec la jeune Montréalaise Sandra Bagaria par internet.
Le lancement de son nouveau blog A Gay Girl in Damascus (Une fille gay à Damas) en plein soulèvement syrien attire un grand nombre de lecteurs mais également l’attention des services secrets du pays qui vont à priori l’enlever. Une mobilisation internationale s’ensuit alors, afin de sauver la malheureuse. Mais quelques doutes sur la véracité de l’histoire commencent à remonter à la surface. Sélection officielle du festival Sundance, Le Profil Amina retrace l’une des plus importantes méprises médiatiques contemporaines.
Ayant exploré la majeure partie des domaines artistiques tels que la littérature, la philosophie, la musique et les arts plastiques, c’est finalement sur les études cinématographiques que Mme Deraspe jette son dévolu : « Le cinéma regroupe tous mes intérêts ».
La photographie est également l’un de ses domaines de prédilection, puisqu’elle occupe le poste de directrice photo dans la totalité de ses films.
Sa première œuvre a mis sept ans à voir le jour et fait par ailleurs écho à Le Profil Amina. Sorti en 2006 et intitulé Rechercher Victor Pellerin, il obtint selon elle un succès d’estime notable à travers le monde et marqua de fait le début de sa reconnaissance sur la scène internationale.
Amie personnelle de Sandra Bagaria, la réalisatrice a vécu cette histoire à travers elle, par le biais de leur relation en ligne. « Elle a donné de son temps pour aider Amina. Ce fut coup de théâtre sur coup de théâtre. » Sophie Deraspe décide finalement de suivre sa camarade sur les traces de son amante virtuelle, afin de réaliser ce film-documentaire, actuellement présenté au festival Hot Docs. « C’est une histoire tellement vertigineuse, ajoute-t-elle, c’était incontournable d’en faire un film, dès lors que Sandra voulait y participer. » Le harcèlement des médias envers Mme Bagaria reste l’une des phases parmi les plus déplaisantes et montre toutes les conséquences de pareille affaire sur la vie d’autrui : « Les gens ressortent de la salle de cinéma choqués par l’ampleur que peuvent avoir les médias dans nos vies. Ça les incite à être prudents. »
Elle rend par ailleurs hommage au courage de son amie et explique que les plus grands défis rencontrés furent l’évocation de sujets sensibles : « L’opposition au régime, franchir des frontières difficiles… ». La façon dont sont traitées les informations aujourd’hui est également quelque chose que la cinéaste souhaite mettre en avant. « Les nouvelles sont vite véhiculées et vite oubliées, explique-t-elle. On se doit de ne pas simplement recevoir l’info, d’éviter la propagande. »
Travaillant actuellement sur deux nouveaux scénarios, l’un en français et l’autre en anglais, elle se tourne vers la fiction et compte bien continuer à surprendre. « Je vais poursuivre sur des sujets aussi sensibles », conclut-elle.
Le deuxième film, Araya, est une coproduction franco-vénézuélienne qui date de 1959 et est considérée comme pièce inestimable par l’industrie cinématographique. Elle retrace l’existence de trois familles dans l’un des endroits parmi les plus arides au monde : la péninsule d’Araya au Venezuela. Un morceau d’histoire du 7e art en somme.
Photo: La réalisatrice québécoise Sophie Deraspe