Jean-François Gérard
Par ses reportages, Martin Bertrand a photographié Hong Kong, Mossoul en Irak ou Dhaka au Bangladesh, mais il n’avait encore jamais mis les pieds en Amérique du Nord. Au printemps, le jeune homme de 26 ans a bénéficié de la deuxième résidence photo de l’Alliance française pour poser un regard neuf sur la Ville reine.
« Trois semaines ça peut paraître long, mais en fait ça va vite. Il faut prendre les photos, mais aussi les traiter, imaginer la scénographie de l’exposition, les textes et faire le tirage », détaille le photographe français.
Avec cette « carte blanche », Martin Bertrand n’avait pas de consigne et s’est mis à arpenter les rues. Habitué à travailler pour la presse française et internationale, il ne « cherchait pas une esthétique, mais à documenter notre époque. C’est de la photo de rue », résume-t-il.
Frappé par la modernité de la ville, l’idée d’associer son travail canadien aux photos d’autres reportages récents « n’est venue qu’à la fin », avec cette question en filigrane : « Qu’est-ce qu’on raconte de notre époque? Que retiendra-t-on dans 20 ans? ».
À Toronto, les airpods sans fil omniprésents, les quelques personnes qui portent encore des masques ou les déplacements constants représentent des marqueurs très actuels. Intitulée « Decades 2020 » ou « Décennie 2020 », l’exposition fige le début des années 2020 aux quatre coins du monde.
Parmi les clichés de Toronto, plus nombreux et regroupés dans la galerie Pierre-Léon, le ciel est un thème récurrent. « C’est une ville pleine de verre, la lumière est omniprésente par les reflets, ce qui m’a rappelé Hong Kong. La lumière est comme adoucie par un spot ». Il s’est en revanche moins attardé sur l’identité de la ville, une dimension qui l’a moins marquée. Même si à travers des clichés « le vieux reste encastré dans le moderne ».
Dans son discours lors du vernissage Martin Bertrand revient sur les photos des autres destinations. Il aimerait qu’elles aident le public à réfléchir à « tout ce qui peut être derrière une photographie. Il y a beaucoup de logistique pour passer un nouvel an à Hong Kong, photographier Mossoul ou s’intégrer dans un bidonville à Dhaka ».
Martin Bertrand a une autre résidence de programmée à Casablanca à la rentrée. « On va continuer ce programme réservé aux photographes français entre 18 et 30 ans », décrit pour sa part Pierre-Emmanuel Jacob, le directeur de l’Alliance française.
« La troisième édition se prépare pour l’année prochaine. On a le pendant en février où l’on permet à des artistes de Toronto d’avoir leur première exposition ici. La carte blanche, c’est avant tout un coup de coeur, on défend un artiste », ajoute-t-il. L’exposition a été commanditée par la fondation David Robert Graham. Elle se poursuit gratuitement jusqu’au samedi 27 mai.
Photo : Marc Bertrand, à côté d’une de ses photos.