OTTAWA – Le choix des candidats pour les élections fédérales se fait de façon étonnamment peu compétitive et opaque, selon une nouvelle étude, une situation qui aurait de profondes conséquences pour la démocratie canadienne.

Une nouvelle étude réalisée par le Centre Samara pour la démocratie, établi à Toronto, montre que de 2003 à 2015, seulement 17 pour cent des plus de 6600 candidats aux élections fédérales ont fait face à une course à l’investiture, tandis que 2700 candidats ont été nommés directement par les partis.

« Si vous considérez la candidature comme un élément d’une chaîne démocratique » conduisant à l’élection d’un membre du Parlement, a souligné Michael Morden, directeur de la recherche à Samara, « je pense qu’il est remarquable que, dans une écrasante majorité des cas, il n’y ait pas de vraie décision prise par la population locale ».

M. Morden a affirmé que des entretiens avec des députés avaient montré qu’il existait une « compréhension large et discrète » dans les milieux politiques des carences du processus de nomination.

Mais il a ajouté que la plupart des Canadiens n’ont guère accès à la « boîte noire » du processus de nomination, ou n’ont pas la capacité d’en examiner le contenu, malgré l’importance que revêt la manière avec laquelle les partis organisent leurs élections internes.

Selon Samara, les partis politiques sont des organisations privées, mais ce sont aussi des « services publics » qui ont de profondes répercussions sur la démocratie canadienne.

Et le manque de concurrence pourrait indiquer une déconnexion inquiétante avec le public canadien, suggère l’étude.

L’étude propose plusieurs raisons pour lesquelles les processus sont si souvent non compétitifs. La tenue d’élections précipitées en est une, de même que les règles qui profitent aux députés en place. Ensuite, il y a la réalité que beaucoup d’associations locales de partis sont trop désorganisées ou trop petites pour attirer de multiples candidatures.

Mais la tendance s’étend aux plus grands partis qui ont des organisations importantes à travers le pays, a souligné M. Morden.

« Dans notre esprit, le manque de concurrence est encore flagrant », a-t-il déclaré.

Diversité des candidatures

Outre le manque de concurrence, l’étude a également révélé que les règles de nomination avaient également des effets importants sur la diversité des candidats et, par conséquent, sur la diversité des membres élus à la Chambre des communes.

M. Morden a noté que les partis justifient parfois la nomination de candidats sur la base de la diversité, mais les données dans l’étude ne confirment pas cette corrélation.

En fait, l’étude laisse croire que les candidats nommés étaient moins susceptibles d’être issus de minorités visibles ou d’origines autochtones.

La question de la représentation des femmes dans les processus de candidature est encore plus remarquable.

Conformément aux conclusions selon lesquelles les femmes remportent les élections à peu près dans la même proportion que les hommes, l’étude suggère que les candidates à l’investiture sont tout aussi susceptibles de gagner les courses internes que les hommes.

Mais seuls 28 pour cent des candidats à l’investiture couverts par l’étude étaient des femmes.

« Cela nous ramène de nouveau au recrutement, à l’ouverture générale du processus, aux facteurs intangibles qui poussent certaines personnes à se frayer un chemin et à d’autres à se retirer ou à ne jamais avoir l’option », a expliqué M. Morden.

L’étude a révélé que les courses plus longues et celles ne nécessitant pas de versement d’argent par les candidats étaient associées à une participation plus élevée des femmes.

M. Morden a affirmé que les partis gardent à l’écart une majorité de Canadiens par des règles qui rendent plus difficile la participation aux processus de nomination: courses rapides, coûts importants, manque d’informations et protections pour les députés sortants.

L’étude recommande des modifications aux politiques des partis dans cette optique: dates d’ouverture et de clôture standard des courses, obligation de signaler le nombre de votes obtenus par les candidats et organisation d’une course même lorsqu’il y a un député titulaire.

Ces changements sont dans l’intérêt des partis qui souhaitent maintenir des fondations solides et rester près de la population, estime M. Morden.

L’étude envisage également un rôle potentiellement élargi pour Élections Canada dans l’administration ou la réglementation des courses, une avenue impopulaire au sein des formations politiques reconnaît M. Morden.

Les partis peuvent également être réticents à même fournir des informations sur leurs processus de nomination, a-t-il souligné. Par exemple, seul le Parti vert a fourni des informations sur le nombre de candidats qu’il a sélectionnés parmi ses nominations en 2015.

« Il n’y a tout simplement pas de culture de transparence », a déclaré M. Morden. « Le processus de nomination est toujours considéré comme étant à caractère très interne, plutôt que comme un véhicule pour un engagement politique de masse. »

La première étape du processus de réforme consiste à convaincre les Canadiens de s’en soucier, a fait valoir M. Morden, car sinon, « vous ne convaincrez pas les partis de faire grand-chose ».

« Il est difficile de réglementer les partis, car ce sont eux qui font les lois », a-t-il soutenu.

SOURCE : Christian Paas-Lang, La Presse canadienne