Qui est à l’origine de la présence francophone en Ontario? Peut-on affirmer qu’Étienne Brûlé ou encore Samuel de Champlain sont responsables de l’implantation des 620 000 francophones que compte aujourd’hui l’Ontario? 

S’il en tient à Paul-François Sylvestre, c’est à un certain Antoine Laumet, plus connu sous le nom de Lamothe de Cadillac, que revient cet honneur. Invité à animer une « causerie » dans le cadre du Mois du patrimoine franco-ontarien par le Théâtre français et la Société d’histoire de Toronto, Paul-François Sylvestre défendit son point de vue à l’aide d’informations tirées de son ouvrage L’Ontario français, quatre siècles d’histoire. 

Paul-François Sylvestre en convient aisément : Cadillac était non seulement un menteur, il fut aussi un chef militaire de faible envergure et un piètre gouverneur. Le personnage était en somme un « fieffé coquin ». M. Sylvestre partage plutôt l’avis de l’historienne Agnes Christina Laut qui voit en Cadillac un « héros sublime ». C’est bien lui en effet qui posa la première pierre du tout premier établissement francophone dans notre province. Après de multiples pérégrinations au Québec et en Acadie, Cadillac porta son attention sur les « pays d’en haut », aujourd’hui la région des Grands Lacs. En amenant avec lui 50 soldats et 50 colons pour s’installer près du détroit qui relie les lacs Érié et Sainte-Claire en 1701, Cadillac établit ainsi une tête de pont française dans ce qui est de nos jours le sud-ouest de la province. Il revint ensuite au Comte de la Galissonière, alors gouverneur de la Nouvelle-France, de signer la proclamation royale. L’endroit fut d’abord appelé Fort Pontchartrain, pour devenir Détroit sur la rive nord et Windsor sur la rive sud. Quant à Cadillac, il ne connut que très peu de choses de son projet, et encore moins l’automobile qui portera un jour son nom. Rapatrié d’abord en France et expédié ensuite en Louisiane, il se résignera à acheter la charge de gouverneur de Castelsarrasin, ville du sud de la France, avant de s’éteindre en 1730. 

Des familles telles que les Pilette, Janisse, Ouellette, Parent et Réaume s’implantèrent avec succès de part et d’autre du mince filet d’eau qui sépare de nos jours le Canada des États-Unis. Les villages prirent les jolis noms de Rivière-aux-Canards, Pointe-aux-Roches, Belle-Rivière ou Saint-Joachim. Des expressions locales fleurirent peu à peu parmi le parler local telles que « bredasser » (faire des petits boulots), « jouer de l’aviron avec ardeur » (être bon nageur) ou « mariage à la gomine » (union sans cérémonie à l’église). 

Aujourd’hui comté d’Essex, la région dénombre beaucoup de francophones. Paul-François Sylvestre, lui-même originaire du coin, souligne le dynamisme de la communauté francophone de la région de Windsor à travers l’existence d’un journal (Le Rempart), d’un poste régional de Radio-Canada ainsi que de plusieurs écoles. 

Cadillac était-il finalement un fieffé coquin ou bien un héros sublime? Qu’importe puisque sa vision s’est révélée juste.