Qui dit Hermès dit cheval, mais dit aussi histoire. Si tous les héritiers de Thierry Hermès surent s’adapter au changement et à l’évolution de la société, ils ne se départirent cependant jamais de l’attachement au cheval que porte la célèbre marque française. En entrant dans le récent Festival des métiers au musée Design Exchange, on comprend ainsi pourquoi c’était bien un sellier auquel le visiteur était immédiatement confronté.

C’est en fabriquant des harnais pour les chevaux que le patriarche bâtit son entreprise familiale au XIXe siècle, confectionnant en particulier ces élégantes selles de cuir dont les riches cavaliers raffolaient. Alors que la culture du cheval déclinait, Hermès et ses successeurs se mirent au diapason et embrassèrent l’arrivée du train, de l’automobile et de l’avion pour produire des accessoires de voyage de luxe, le plus souvent faits en cuir. On se soucia toutefois de conserver le thème équestre dans bon nombre de produits, d’où ces noms de montres comme Dressage, Sellier ou Étrier. Le thème du voyage ou du sport de luxe apparut également avec Clipper ou Cape Cod. Si Hermès demeure encore aujourd’hui une entreprise familiale, basée rue du Faubourg-Saint-Honoré dans le 8e arrondissement de Paris, ses activités se sont étendues aux articles de soie, la parfumerie, la porcelaine, la cristallerie et l’horlogerie. La compagnie a su aller chercher l’expertise d’artisans régionaux en implantant ses ateliers de soierie et de textiles à Lyon, ses cristalleries dans le nord de la France et ses fabriques de montres en Suisse.

Quelques-uns de ces artisans étaient venus au musée Design Exchange pour montrer leur savoir-faire aux Torontois. Le maître-sellier Vincent Léopold explique aux visiteurs comment il façonne une selle à partir d’un arçon fait de bois et de métal, d’un morceau de toile, de sangles en nylon, d’un matelassage en latex et, enfin, d’une peau de taurillon. Par la suite, des quartiers en peau de vache viennent s’ajouter, cousus entièrement à la main. Il faut compter environ 25 heures pour réaliser une selle « anglaise » faite pour le « jumping » ou le dressage. Hermès équipe quelques-uns des plus célèbres cavaliers au monde, notamment le champion olympique de saut d’obstacles Rodrigo Pessoa pour qui ses selliers fabriquent des selles sur mesure. Un cavalier ou une cavalière devra débourser environ 7000 $ pour une selle signée Hermès.

Patricia Paccanaro est une confectionneuse de cravates. Découpée à la main dans un rouleau de soie, chaque cravate reçoit une doublure et une tripure. Cette dernière garnit et donne à la cravate sa forme. Une cravate de soie Hermès est entièrement cousue à la main.

Après que Kristina Mkrtchyan ait peint chaque couleur du motif, le morceau de porcelaine est ensuite mis au four. L’artiste peintre utilise une poudre faite d’un mélange de pigment végétal et de petits cristaux. Ce sont justement ces derniers qui permettent à la peinture de s’imprégner dans le cristal à la cuisson. Toutes les pièces sans exception sont passées au crible par un inspecteur à la finition. La moindre imperfection entraînera le renvoi immédiat de l’œuvre à l’artiste.

Dès le début du XXe siècle, Hermès se mit à fabriquer des horloges, des réveils et des montres. Où aller, ailleurs qu’en Suisse, pour s’allier aux meilleurs horlogers du monde? Le biennois Luc Hiegel démontre comment Hermès assemble encore aujourd’hui à la main le boîtier, le cadran et les mouvements de ses montres de luxe. Si les montres à quartz jetables mirent pendant un temps en péril la survie de la montre mécanique de qualité, les montres de luxe Hermès avec leur style élégant et sobre ne semblent éprouver aucune difficulté à trouver des acquéreurs, et ce malgré des prix qui laissent parfois pantois. Luc avoue même avoir vu dans l’atelier de Bienne un exemplaire à plus de 100 millions de dollars! Quant au modeste promeneur qui déambulait dans la rue Bay ce jour-là, il lui aurait fallu sortir environ 3000 $ de son porte-monnaie pour un modèle de gamme moyenne.

Avant de venir dans la Ville reine, l’exposition avait déjà fait une halte à Londres et Düsseldorf. Il est fort à parier que dans chacune de ces villes, elle aura laissé plus d’un visiteur admiratif et rêveur.

Photo : Vue générale de l’exposition