Le corps féminin fantasmé et bridé

Nadia Comăneci est devenue au fil du temps comme une figure historique, quasiment irréelle. Nadia Comăneci, c’est la gymnaste de 14 ans et demi qui remporta une note parfaite, la première dans toute l’histoire des Olympiques, aux Jeux de Montréal en 1976.

Figure hypermédiatisée, la jeune fille a captivé et passionné le monde qui s’attache à cette nouvelle forme de féminité au corps d’enfant, puissante et imbattable, opaque et mystérieuse.

Pourquoi la petite communiste exercera-t-elle une telle fascination sur les adultes? Voilà la question centrale de l’ouvrage de Lola Lafon, La Petite Communiste qui ne souriait jamais.

Écrivaine, compositrice, féministe, la libertaire française revenait sur ce livre paru en 2014 lors d’une conférence donnée à l’Alliance française de Toronto le mardi 25 octobre.

« On est dans une société où ce qui fait rêver, c’est l’enfant prépubère ou son incarnation. »

Le corps féminin, la confrontation Est-Ouest; Lola Lafon revient sur des thèmes qui lui sont chers dans ce roman qui retrace, dans un dialogue fictionnel, le parcours fantasmé de la jeune Nadia Comăneci.
C’est ce visage pâle, sans maquillage, qui attire l’auteure qui de par son histoire interroge l’image de la femme et la façon dont son corps est traité.

« On est dans une société où ce qui fait rêver, c’est l’enfant prépubère ou son incarnation », note Lola Lafon.
L’écrivaine souligne la publication d’un quotidien français aux Jeux de 1980 (Nadia Comăneci a alors 18 ans) titrant « La petite fille s’est muée en femme. Verdict : la magie est tombée. » Un verdict qui dénonce avant tout le regard d’un journaliste sportif masculin sur le corps d’une gymnaste féminine.

Un corps qui doit être modelé aux exigences de beauté. Pourquoi les gymnastes portent-elles des manches longues? Pour cacher les veines qui ressortent de leurs bras très musclés – une connotation bien trop masculine pour les commanditaires.
L’auteure soulignait un rejet du féminin dans une société où « vous avez toutes les publicités qui montrent des règles bleues. »

Plus qu’un livre sur la femme et son corps, La Petite Communiste qui ne souriait jamais suit cette gymnaste qui voltige d’Est en Ouest et apporte un regard sur les idéologies politiques et les libertés dans la Roumanie communiste de Nadia Comăneci.
La conférence a été suivie d’une séance de dédicace des ouvrages de Lola Lafon.


Photo: Louise Nobert, modératrice de la rencontre et l’auteure Lola Lafon