La nouvelle conseillère municipale francophone de Toronto, Dianne Saxe, a accepté l’offre du maire John Tory de présider le Comité consultatif sur les affaires francophones de la ville. Si les conseillers municipaux approuvent la reconduction du comité pour une période de quatre ans en février, elle prendra les rênes d’un groupe dont l’approche devra changer, selon d’anciens membres.
Bien que le Comité consultatif ne se rencontre qu’environ deux fois par an, les controverses l’entourant sont nombreuses depuis quelques années. En 2019, un ancien cadre de la Société économique de l’Ontario a tenté de faire élire huit personnes qu’il connaissait. La même année, un document du directeur municipal de la Ville de Toronto rapportait que les conseillers municipaux ne s’entendaient pas sur l’utilité du comité. Puis, en mars dernier, une rencontre a été annulée, car aucun point n’avait été proposé à l’ordre du jour.
Le comité a pour but de fournir des recommandations au conseil municipal, mais ses succès sont mitigés. Depuis 2018, il a par exemple été consulté durant la pandémie – la médecin hygiéniste adjointe de Toronto a présenté aux membres des données sur la santé de la population francophone, entre autres – et ses membres ont pu interroger des dirigeants de la Bibliothèque publique de Toronto lorsque l’organisme public a retiré des milliers de livres en français.
Selon Lise Marie Baudry, qui a été directrice générale du Centre francophone de Toronto et membre du comité, ce dernier devient trop souvent une arène revendicatrice. « Participer à ces comités en frappant sur la table, ça n’établit pas de bons rapports avec les élus, dit celle qui recommande une approche plus diplomatique avec des membres qui travaillent sur le terrain. Ça devrait être une table avec plus de personnes de terrain, avec des gens qui ne sont pas là pour accroître leur capital. »
Marcelle Lean, la directrice du festival Cinéfranco et une membre de 2019 à 2022, aimerait aussi un comité plus proche de la population.
La vice-présidente du Collège Boréal, Lise Béland, qui a été membre du comité en même temps que Marcelle Lean, estime que l’idée d’une équipe plus proche des gens n’est pas « mauvaise ». Elle note toutefois que le groupe a besoin de membres qui fournissent des « renseignements pointus » et qui ont le pouls de la population.
Selon Dominic Mailloux, Québécois d’origine, lui aussi membre de 2019 à 2022 et vice-président des ressources humaines à l’entreprise Garda, le comité a un « grand rôle d’influence » pour la communauté.
Deux récents rapports de Statistique Canada relèvent une importante communauté franco-torontoise. Environ 57 000 travailleurs du Grand Toronto utilisent régulièrement le français au travail, soit environ 40 % de plus que l’ensemble des travailleurs à Vancouver, Winnipeg, Edmonton et Calgary. Près de 104 000 enfants sont aussi admissibles à l’instruction en langue minoritaire, un nombre plus élevé que dans la région d’Ottawa-Gatineau. Le nombre de résidents de la ville de Toronto dont la première langue parlée est le français a toutefois diminué d’environ 5 % de 2016 à 2021.
Dominic Mailloux, un ancien cadre chez Bombardier, estime que la croissance de la population francophone dans la région démontre l’importance du comité en tant qu’agent de liaison entre la communauté et la municipalité. « Il y a une présence institutionnelle accrue à Toronto : la création de l’Université de l’Ontario français, le nouveau campus du Collège Boréal. Il y a de plus en plus d’entreprises québécoises qui viennent ici, donc le fait français ne s’en va pas, poursuit-il. C’est un no-brainer, le comité doit revenir. »
Marcelle Lean avance toutefois que plusieurs membres de la communauté ne sont pas au courant des activités du comité. « Peut-être qu’il faut revoir la nomination du groupe », se demande-t-elle, faisant ainsi écho aux commentaires de Lise Marie Baudry.
Le Comité consultatif est-il encore pertinent? La question est « très épineuse », selon Marcelle Lean. « À mon époque, je n’ai pas trouvé le comité particulièrement conséquent ou qu’il avait plein d’impacts sur la vie des communautés francophones », dit-elle. Elle affirme toutefois que le comité s’est senti écouté par l’ancienne présidente, la conseillère Jennifer McKelvie.
Ce sont les 25 conseillers municipaux qui décideront le 7 février 2023 de la reconduction du comité. Le maire John Tory aura l’appui de quelques conseillers, dont Brad Bradford, James Pasternak, Mike Colle et Michael Thompson. Ces derniers ont tous confirmé leur appui à la reconduction au Devoir.
« Toronto a grandement bénéficié du travail du comité depuis quatre ans », pense Brad Bradford. Ausma Malik, la représentante de la circonscription municipale où est située l’Université de l’Ontario français, affirme quant à elle qu’elle appuiera la reconduction « si la communauté francophone de Toronto la juge bénéfique ».
« Nous pensons avoir l’appui du conseil municipal pour reconduire le comité et nous espérons que ce sera approuvé dans la nouvelle année », affirme Taylor Deasley, l’attachée de presse du maire John Tory. Le maire, dit son attachée de presse, a sélectionné Dianne Saxe en raison de son enthousiasme pour le comité et de son habileté à parler français.
Source : La Presse canadienne / Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, Le Devoir, financée par le gouvernement du Canada.