Camus était à l’honneur à l’Alliance française de Toronto en ce début d’année.
Tout d’abord, une conférence du comédien Jean-Paul Schintu mettait en lumière des écrits de l’auteur qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1957.
« J’aime faire partager le goût que j’ai pour les textes littéraires en donnant des lectures publiques. Cela permet aussi de faire découvrir des textes moins connus de Camus », dit-il comme son premier essai L’envers et l’endroit publié à Alger en 1937. Cette nouvelle met en scène sa mère qui avait un défaut de parole et sa grand-mère. « Tout jeune, il écrivait déjà sur les thèmes qui vont l’occuper toute sa vie, c’est-à-dire le questionnement sur son père et le face-à-face avec sa mère qui s’exprime difficilement et qui, en plus, était sourde », ajoute M. Schintu. Les deux premiers chapitres de L’étranger écrit en Algérie – la suite ayant été rédigée à Paris – et Noces à Tipasa ont fait l’enjeu d’une lecture.
Le comédien qui a fait ses armes au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris a également interprété une adaptation du roman inachevé Le premier homme publié pour la première fois en 1993, plus de 30 ans après la mort accidentelle de Camus dans un accident de voiture.
« Ce texte a été retrouvé dans la sacoche qui était aux pieds d’Albert Camus au moment de son décès, précise le conférencier. Il y avait les 300 premiers feuillets du roman. »
Au moment de sa publication, ce texte fut une « bombe », souligne M. Schintu. « On n’imaginait pas un texte aussi brut et sincère. On dit toujours que quand on lit Le premier homme, on entend la voix de Camus. »
Né en Algérie comme l’auteur et philosophe de renom, Jean-Paul Schintu s’intéresse depuis plusieurs années à Camus. « Un de mes amis n’arrêtait pas de me titiller et me demandait quand j’allais jouer Le premier homme. C’est un texte pour toi me répétait-il. ».
Il se met alors à travailler sur une adaptation théâtrale dès 2005 : « J’ai pris dans le texte original ce qui est théâtralement le plus positif et le plus vibrant. J’ai dû élaguer des passages. On ne se rend pas compte, mais Camus fait beaucoup de répétitions ».
Travaillant sur d’autres projets en même temps, il lui faut plusieurs années pour adapter cette pièce. Il fait d’abord des lectures publiques dans les bibliothèques françaises et découvre alors que Le premier homme émeut énormément le public. « J’ai vu les passages qui plaisaient », dit-il.
Seul en scène pendant 75 minutes, le comédien joue tous les personnages. « Je me dédouble. Je joue le père, la mère, le gardien du cimetière sans mettre d’accessoires, simplement par la gestuelle et par la voix », précise-t-il.
Ce va-et-vient entre le vécu et la narration est brillamment interprété par Jean-Paul Shintu.
PHOTO: Jean-Paul Schintu