Alexia Grousson
Danièle Caloz, membre de la Société d’histoire de Toronto (SHT), a présenté une conférence sur l’un des sommets les plus iconiques des Alpes : le Cervin, ou Matterhorn en allemand, le mercredi 15 octobre au théâtre de l’Alliance française.
Situé à 4478 mètres d’altitude, à la frontière italo-suisse, le Cervin est immédiatement reconnaissable à sa forme pyramidale et ses quatre faces abruptes. Il domine les stations de Zermatt et Breuil-Cervinia et reste une montagne mythique, aussi admirée que redoutée.
Sa dangerosité, en raison de chutes de pierres fréquentes et d’un itinéraire exigeant, n’a pas empêché des générations d’alpinistes de tenter l’ascension depuis le drame fondateur le 14 juillet 1865, lorsque 4 membres de la première expédition menée par Edward Whymper trouvèrent la mort à la descente.
Danièle Caloz a tissé le fil d’une narration mêlant faits historiques, anecdotes, récits d’alpinisme et réflexions culturelles. Elle a montré comment le Cervin est devenu un puissant symbole national et commercial, notamment grâce aux efforts de promotion touristique entrepris dès le XIXe siècle. Zermatt, autrefois un village isolé, est aujourd’hui l’une des stations les plus prestigieuses d’Europe.
« La gestion du village, de la région avoisinante et du Cervin se retrouve encore entre les mains des Zermattois eux-mêmes. Un facteur clé de son succès durable », commente-t-elle.
Cette volonté de préserver l’esprit authentique de la station remonte à Alexandre Seiler, hôtelier visionnaire, dont l’hôtel Monte Rosa fut le point de départ des premières ascensions victorieuses du Cervin. Parallèlement, César Ritz, originaire de la même région, révolutionnait l’hôtellerie internationale, contribuant à la renommée mondiale de la vallée.
Parmi les figures marquantes évoquées, Lucy Walker occupe une place à part. Cette pionnière canadienne fut la première femme à atteindre le sommet du Cervin, en 1871. Malgré son exploit, elle fut longtemps ignorée, victime des préjugés de son époque. Son apparence, ses choix alimentaires ou ses vêtements inadaptés à la montagne ont été critiqués. Pourtant, elle a gravi plus de 90 sommets dans les Alpes. Aujourd’hui, elle est reconnue comme une véritable icône de l’alpinisme féminin.
Le Cervin ne cesse d’inspirer. Il apparaît sur d’innombrables objets suisses (timbres, affiches, sachets parfumés, etc.), dans des magazines tel Vogue, et surtout sur la tablette chocolatée Toblerone, dont la silhouette reprend fidèlement celle de la montagne. Cette image est devenue un puissant symbole marketing pour la Suisse, mais aussi un emblème reconnu mondialement. La montagne est aussi au cœur de nombreux récits, notamment dans la littérature suisse.
Cependant, l’attrait du Cervin a aussi ses excès. La conférencière a dénoncé les risques liés à l’alpinisme touristique : équipement inadéquat, mauvaise préparation ou sous-estimation des risques. Certains visiteurs sous-estiment la difficulté de l’ascension. À l’inverse, Mme Caloz a partagé l’histoire inspirante de son neveu Yann Caloz, qui a gravi la montagne à 50 ans avec son cousin, après un entraînement rigoureux, encadré par un guide professionnel.
Enfin, plusieurs conseils pratiques ont été donnés pour ceux qui souhaitent visiter la région. L’accès à la station est bien organisé : les voitures s’arrêtent à Täsch, puis une navette assure le transport jusqu’au village de Zermatt, entièrement réservé aux piétons. Bien que compacte, la station regorge de boutiques, de restaurants et offre des vues exceptionnelles sur la montagne.
« C’était une conférence captivante qui reliait histoire, alpinisme, symboles et tourisme. J’ai appris que la première femme à l’avoir gravie était Canadienne. Un récit cohérent, instructif, et bien construit », conclut Rolande Smith, présidente de la SHT.
Photo : Le Cervin est facilement reconnaissable à sa forme pyramidale à la frontière italo-suisse. (Crédit : Nicolo Cigolotti)