Le film comporte une série de figures. Un spéléologue s’enfonce dans les entrailles de la Terre et avance à tâtons. Deux fillettes projettent des ombres d’insectes qu’elles ont placées dans des diapositives, un chimiste confectionne un miroir. Une voix hors-champ ajoute des explications aux différentes scènes. C’est une interrogation sur l’image du soi et du reflet à laquelle l’artiste multidisciplinaire français Laurent Montaron invite le spectateur à travers son court métrage Everything is accidental.
« Je m’écarte du sujet, pour mieux m’en approcher. Ces figures s’entrecroisent et se font des clins d’œil. Elles font partie d’une culture qu’on a sans le savoir d’une représentation de comment on est », expliquait l’auteur lors d’une présentation puis d’une discussion de l’œuvre. Cette soirée, parrainée par le Consulat général de France à Toronto, se déroulait à l’occasion du Festival international du film de Toronto (TIFF).
Avant même de pouvoir pénétrer dans l’espace principal, le visiteur est confronté à une fenêtre à travers laquelle on aperçoit la salle de projection. Il s’avère que cette fenêtre est en fait un miroir sans tain qui laisse passer une partie de la lumière. Une double image se crée alors, celle du film et celle de sa propre image.
« Il y a beaucoup de choses qui se superposent. Il ne s’agit pas d’une architecture qui va nous dire de regarder les choses de telle ou telle façon », poursuivait Laurent Montaron. Il fabrique ainsi une condition pour le regard qui peut être changeante et qui suscite plusieurs interprétations possibles.
Le titre du film est tiré d’une citation des Fragments de Parménide « Tout est accidentel ». Là encore, Laurent Montaron explique que le doute est possible puisqu’il s’agit en fait d’une interprétation de ce que le philosophe grec a réellement écrit.
À l’issue du film et alors que la lumière réapparaît, la salle de projection se transforme en salle d’exposition. Laurent Montaron avoue qu’il affectionne particulièrement ce genre de transformation.
Le spectateur découvre un autre sujet d’intérêt chez l’auteur, le rapport entre la vision et la vue. Sur un mur est fixé un poteau télégraphique couché sur le côté. Il s’agit d’une reproduction d’un poste d’observation fabriqué par les soldats français de la Première Guerre mondiale. Un périscope installé à l’intérieur d’un vrai poteau télégraphique installé le long d’une voie de chemin de fer permettait ainsi à un soldat caché sous terre d’épier les troupes ennemies. Ce genre d’avancée technologique comme le fameux Canon de 75 ont changé la façon de faire la guerre. On pouvait désormais tuer l’ennemi sans réellement le voir. Il s’apprête par ailleurs à présenter à Berlin un arbre camouflage que l’armée française a utilisé durant la Guerre 1914-18.
Laurent Montaron est venu travailler à Rimouski il y a quelques années. Il est reconnaissant que cette fois le TIFF lui ait permis de montrer son film dans les conditions qu’il avait imaginées dès le départ. Le présenter à Toronto, ville où d’autres comme Marshall McLuhan l’ont nourri d’idées qui l’intéressent, constitue un moment important de sa carrière.
L’installation est en place au Mercer Union jusqu’au 25 octobre. Pour plus de renseignements : www.mercerunion.org.