Depuis le 17 août, le Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO) présente une exposition consacrée au géant de l’art contemporain chinois, Ai Weiwei. Portrait d’un artiste hors-norme.
Il y a définitivement un phénomène Ai Weiwei. L’artiste chinois est omniprésent depuis plusieurs années. Sa figure ronde, sa barbe de sage oriental et son ventre ample sont devenus des références mondiales. À vrai dire, l’image d’Ai Weiwei est plus connue que son œuvre.
Ai Weiwei, c’est un artiste aux prises avec la censure d’un pouvoir arbitraire, qui est lui-même aux prises avec l’image internationale de l’artiste. C’est un louvoiement perpétuel entre emprisonnement et honneurs. Des contradictions difficilement assumées. Tantôt présenté comme opposant, tantôt comme mascotte, l’homme est difficilement saisissable. Un exemple illustre cette situation : le gouvernement chinois a fait appel à lui pour dessiner le stade olympique des Jeux de Pékin en 2008. Cependant, quelques mois plus tard, l’artiste appellera à leur boycott avant d’être jeté en prison.
Pourtant, l’artiste n’est pas un dissident. Il n’a ni la rigueur politique, ni la constance de Liu Xiaobo, par exemple. Difficile de définir cet homme. Artiste qui a vécu à New York et qui y a fait sa formation artistique dans les années 1980, il y a aussi découvert Marcel Duchamp, qu’il adule. Il s’est frotté à Andy Warhol et sa « Factory », repère d’artistes et de jet-setters un peu marginaux de Union Square. Il a posé avec Allen Ginsberg, le poète de la génération paumée, a découvert les codes de l’art contemporain et ceux de la contestation politique.
C’est aussi un fil de « l’aristocratie rouge ». Ce cercle de proches du pouvoir, de fils de dirigeants et de dignitaires de l’époque de Mao Zedong. Son père, le grand poète Ai Qing, a été adulé et célébré par la Chine maoïste, avant d’être banni au Xinjang, une province glacée et reculée pour « dérive droitière ». Là-bas, il devait laver des latrines. Le jeune Weiwei n’a jamais oublié cette période douloureuse.
Enfin, c’est un très grand communicant qui a découvert Internet avec gourmandise, qui joue avec son image comme personne. Posant nu, malgré la censure et ouvrant un espace de liberté fragile, mais sans précédent. Son blogue, aujourd’hui interdit, attirait tous les jours des centaines de millions de Chinois. De nos jours, c’est sur les réseaux sociaux, et en particulier Twitter, qu’il sévit. Preuve de cette personnalisation extrême sur la place Nathan Phillips où une de ses installations est implantée depuis quelques mois, une affiche présente son portrait.
Alors, qui est Ai Weiwei? Un gourou moderne? Un subversif? Un rouage d’un système? Une escroquerie? Ou un artiste de génie? Un homme à part, dans tous les cas. Et c’est sans doute pour en savoir un peu plus sur lui qu’il faut aller voir son œuvre qui est présentée jusqu’au 27 octobre.
Photo : L’installation d’Ai Weiwei devant l’hôtel de ville de Toronto