Jean-François Gérard
La météo a sûrement découragé quelques curieux. Sous les gouttes et le ciel gris du dimanche 30 avril, la Société d’histoire de Toronto (SHT) avait donné rendez-vous pour une visite du parc Tommy Thompson dans le sud-est de la ville. Équipée de parapluies et d’imperméables, une demi-douzaine de personnes ont néanmoins choisi de braver les éléments.
Aujourd’hui, cette péninsule sur le lac Ontario est un espace de conservation de la nature, où trouvent notamment refuge plus de 300 espèces d’oiseaux. « Son emplacement avancé sur le lac en fait un point d’escale important pour les oiseaux migrateurs », explique Rolande Smith, présidente de la SHT et guide de la rencontre. Mais ce bout de terre créée par l’Homme présente une histoire originale.
« Sa conception remonte à bien longtemps quand Toronto rêvait d’être un grand port maritime, raconte Mme Smith. En 1959, quand Ports Toronto lance le projet de cette expansion, ce secteur est choisi. »
En plus d’un port de commerce, les décideurs imaginent un parc aquatique, un type d’établissements très à la mode à cette époque. « On rêve de marinas, de clubs de voile dans chaque baie, de centre de loisirs, jusqu’à un terrain d’entraînement au golf et un aquarium », poursuit Rolande Smith.
Au fur et à mesure que la ville se développe ailleurs dans les années 1960 et 1970, le remblai – jusqu’à 100 camions par jour – est déposé et l’étendue de terre prend forme. On remarque notamment la composition des sols du parc tout au bout de la pointe, près du phare où des morceaux de métal, de carrelage et de béton forment la berge.
« Aujourd’hui, il y a plus de tri dans les gravats. Les barres métalliques seraient retirées », commente la guide.
De l’autre côté de la ville, en 1971, Ontario Place est inauguré et fonctionne jusqu’en 2011. Sur cette autre presqu’île, la Province prévoit désormais d’installer un grand spa et d’y déménager le Centre des Sciences. Avec le développement du rail et des conteneurs, le projet de port commercial perd en pertinence économique. Côté loisirs, on s’interroge aussi sur les coûts élevés des infrastructures.
Pendant les études et questionnements, la végétation s’installe si vite dans les années 1980 que l’idée d’un parc naturel émerge. « Aucun autre morceau de terre n’a attiré des défenseurs aussi passionnés et aucune autre parcelle de terre n’a eu une bataille aussi longue », estime Rolande Smith.
La visite met en évidence qu’il y a peu de très grands arbres, les plantations étant récentes. Certains troncs sont protégés des castors. Au loin, quelques lapins traversent la route. En dépit de la grisaille, les couleurs verte, rouge ou jaune de la végétation ressortent.
Fait rare ce dimanche 30 avril, il n’était pas possible d’apercevoir la ville de Toronto. Par temps dégagé, ce lieu prisé des coureurs, cyclistes et promeneurs offre une vue imprenable sur le panorama torontois. La pluie battante n’incite guère à flâner. « On reviendra en août et en octobre et viendra qui veut », indique Rolande Smith. Le rendez-vous est pris, reste aux éléments d’être un peu plus favorables cette fois.