Aujourd’hui, le promeneur qui emprunte le sentier qui longe la rivière Humber peut contempler les beaux espaces verts qui ont été aménagés tout le long des berges. Il peut aussi apercevoir les quelques barrages et déversoirs qui furent construits pour réguler le débit. Il peut enfin admirer l’élégance du pont Old Mill qui fait penser à ceux qui enjambent la Seine à Paris. C’est cependant un paysage bien différent qu’aurait pu découvrir le visiteur il y 400 ans. Lisette Mallet, une des fondatrices du Parc historique de la rivière Humber, proposait lors de la dernière visite guidée de la Société d’histoire de Toronto, le dimanche 25 mai, de faire ce petit voyage dans le temps. 

Dès l’arrivée des Premières nations dans notre région il y a quelque 8000 ans, la rivière Humber se transforma en une voie de communication naturelle entre la Baie Géorgienne et le lac Ontario. La trouvant peu navigable à certains endroits, les Hurons-Wendats se virent obligés de tracer un chemin de portage sur la majeure partie de son cours. Ce sentier long de 45 km reliait alors les lacs Ontario et Simcoe. Avide de commerce, ce peuple emprunta sans cesse cette route pour échanger avec les nations iroquoises au sud et les Ojibway au nord. On peut imaginer les vastes champs de maïs, de haricots et de courges qui entouraient alors les villages constitués de maisons longues. Au lieu de nombreux cyclistes qui arpentent le sentier de nos jours, on voyait alors des hommes transportant sur leur dos de lourds ballots. Contrairement aux pagayeurs modernes qui transportent leur embarcation, les voyageurs de l’époque laissaient le leur à chaque extrémité du portage, libre au prochain aventurier qui voyageait dans l’autre sens de l’utiliser. Les premiers habitants avaient ainsi créé un système de canots en libre-service avant la lettre. 

Les premiers explorateurs français emboîteront le pas aux Hurons-Wendats au début du XVIIe siècle. Étienne Brûlé aurait-il suivi le Portage de Toronto par un beau matin de septembre 1615? Nul ne peut l’affirmer avec certitude. On sait cependant que les Français établirent un poste de traite et un fort à l’embouchure de la rivière Humber. 

Les maladies apportées par les explorateurs européens et les expéditions guerrières entreprises par les Seneca, un peuple iroquoïen établi dans ce qui est aujourd’hui l’État de New York, eurent raison des Hurons-Wendats. Les rescapés s’exileront à Wendake, un petit village situé au nord de la ville de Québec. Vers 1670, les Senecas vont installer leur village sur une colline qui domine la rivière, endroit connu aujourd’hui sous le nom de Baby Point. Place stratégique par excellence, cet endroit leur permettra à 3 ou 5000 personnes de s’établir en toute quiétude et de pratiquer l’agriculture. Les jardiniers du coin retrouvent encore des objets ayant appartenu aux Senecas. Préoccupés par les guerres contre l’envahisseur européen qui faisaient rage dans leur territoire d’origine, les Senecas durent quitter les lieux. 

La rivière Humber vit vers 1690 l’arrivée des Mississaugas, un peuple nomade ojibway en quête d’un nouveau territoire de chasse et de pêche. Ils affichèrent aussi la ferme intention de faire du commerce avec les Européens, les Français dans un premier temps puis les Britanniques par la suite. Ces derniers finiront par soi-disant acheter le territoire aux Mississaugas. Cette transaction douteuse fit l’objet d’une longue dispute qui ne fut réglée que tout récemment. Les Mississaugas se déplacèrent tout d’abord sur un site près de l’embouchure de la rivière Credit, puis dans la région de Brantford, lieu où ils vivent toujours aujourd’hui. 

Créé en juin 2011, le parc historique, aussi appelé le Sentier partagé, offre aux visiteurs 13 aires d’interprétation. Des panneaux rappellent à la fois 8000 ans de présence autochtone et 400 ans d’histoire européenne sur les bords de la rivière Humber. 

Pour plus de renseignements sur les visites guidées de la Société d’histoire de Toronto : www.sht.ca. 

Photo : Les participants. En arrière-plan, le pont Old Mill.