Jean-François Gérard

Près de 700 ans séparent La Divine Comédie de l’Italien Dante Alighieri (vers 1303-1321) et les peintures figuratives de l’Espagnol Salvador Dalí. Ces deux légendes sont connues du grand public, mais la « rencontre » interposée de ces deux génies l’est bien moins.

Avec « l’expérience » Divina Dalí, à la Brookfield Place jusqu’au 30 septembre, c’est cette histoire que Félix Béranger a voulu mettre en scène. « Je suis un homme chanceux, je connais Frank Hunter, l’archiviste officiel de Dalí », s’amuse le directeur de création et concepteur du projet.

L’histoire remonte aux années 1950. Pour les 700 ans de la naissance de Dante, le gouvernement italien confie l’illustration de son œuvre à Dalí. Mais suite à des protestations en Italie à cause de la nationalité de l’auteur, le projet lui est retiré. Le peintre achève tout de même son travail d’une dizaine d’années et l’expose à Paris, sous forme d’aquarelles en 1960. L’exposition canadienne est composée d’estampes, c’est-à-dire de minutieuses impressions sur papier, réalisées par la suite.

« La majorité des œuvres viennent des archives personnelles de Frank Hunter, complétées par quelques dons et prêts auprès de collectionneurs privés », décrit Félix Bélanger. Comme cette sculpture de Dante par Dalí ou cette toile utilisée dans le film Spellbound (La Maison du docteur Edwardes) d’Alfred Hitchcock, qui avait confié la création artistique d’une scène de rêve à Dalí.

Comme dans La Divine Comédie, le parcours nous fait cheminer à travers trois univers : l’Enfer, divisé en neuf cercles où les peines sont proportionnées aux péchés; le Purgatoire « une création récente de l’Église dont Dante s’est servi pour parler du contrôle de l’Église sur les vies », détaille Félix Bélanger, autour des sept péchés capitaux, et enfin le Paradis. Il y retrouve Béatrice, une jeune femme de 24 ans aimée par le poète et allégorie de la foi qui permet d’accéder à Dieu.

Les trois espaces sont accompagnés d’éclairages et d’ambiances sonores pour tenter de les ressentir. « Salvador Dalí s’est reconnu dans cette histoire, qui peut être lue de tellement de façons et laisse place à l’interprétation, poursuit Félix Bélanger. On a voulu faire vivre cette histoire aux gens, que sous les projecteurs, ils se sentent un peu acteurs. » Les œuvres de Dalí empruntent à différents styles : traits nets, spirales nébuleuses, illusions d’optique, etc. « On ne dirait pas qu’elles ont été réalisées à la même période », note le concepteur du projet.

La société québécoise La Girafe en feu a présenté Divina Dalí pour la première fois à Montréal en 2021. Depuis, quelques pièces supplémentaires comme des photos et affiches, ont depuis été débusquées et ajoutées au parcours torontois. L’exposition partira ensuite pour une autre ville.

Toutes les explications sont en français et en anglais. Dans chaque salle, des étudiants en art viennent à la rencontre des visiteurs et sont capables d’expliquer la signification de chacune des 100 estampes et à quel passage précis de l’œuvre de Dante elles correspondent.

Photo de Jean-François Gérard