« On a envie de vivre sa vie, de ne pas la gagner », dit Viviane Hamy. La créatrice des éditions du même nom était venue partager un petit peu de son amour de la littérature avec le public de l’Alliance française et de la librairie Mosaïque.

L’une des figures de l’édition française contemporaine, la férue des beaux mots était de passage dans la ville dans le cadre du Festival international du film de Toronto. Elle présentait la veille l’ouvrage Arab Jazz de Karim Miské devant les professionnels nord-américains du cinéma.
Dès les premiers mots de celle qui se décrit comme une  « lectrice avant d’être une éditrice », le public était happé par la passion qui habite Viviane Hamy.

« J’étais une lectrice fanatique, car plutôt quelqu’un de solitaire. » Un jour, on lui parle d’édition et « la fenêtre s’ouvre ». Celle qui avait suivi des études de droit se lance d’abord en représentante en librairie et travaillera pendant 10 ans pour différentes maisons d’édition telles que les Éditions Robert Laffont, les Éditions Phébus ou encore les éditions Lieu Commun (aujourd’hui disparues).

« Je critiquais beaucoup, raconte Viviane Hamy. Au bout d’un moment, je me suis dit : critiquer c’est bien, mais il faut faire. » Alors elle fait. La jeune femme de l’époque rassemble 500 000 francs (environ 110 000 $), une somme dérisoire, et dessine son projet. L’éthique de la maison se basera sur le respect de l’autre. Trouver des nouveaux auteurs et faire découvrir des textes étrangers sera la mission de la maison.

Si au début, elle reçoit peu de manuscrits, elle publie dès la première année un recueil de nouvelles d’Armande Gobry-Valle, auteure alors inconnue qui gagnera en 1991 le prix Goncourt du premier roman.
En 1994, Viviane Hamy crée la collection policière – même si l’éditrice n’aime pas le mot collection! Une « collection » donc qui naît par hasard après qu’elle reçoive trois romans policiers, dont un de l’auteure Fred Vargas. « Tout se fait à l’envers avec moi », explique en riant Viviane Hamy.
Pour cette lectrice assidue, tous ses choix d’entrepreneure se font pour le lecteur. L’éditrice a compris qu’il manque un maillon entre le libraire et le lecteur, le premier considéré comme le vendeur, et le second comme l’acheteur.

Des hauts et des bas rythmeront la vie de la petite maison d’édition qui côtoie pourtant les plus grandes. Et si l’adulte éditrice a appris à tempérer les élans baroques de l’enfant-lectrice, Viviane Hamy concluait : « un texte, c’est une richesse extraordinaire, c’est un mélange d’utopie et de rêve ».

Laurence Stenvot