L’Alliance Française a présenté le vendredi 12 avril un cabaret-chanson exceptionnel en hommage à Barbara, interprété par l’actrice et metteure en scène québécoise Marie-Thérèse Fortin.

C’était un moment en suspension. Vers la fin du spectacle, après plus d’une heure de Barbara. Difficile de dire à quelle heure exactement. Personne ne songeait à regarder sa montre. Après une heure de chansons de Barbara interprétées par Marie-Thérèse Fortin, la dernière pièce de la soirée, L’Aigle noir, résonne. Beaucoup l’ont attendue, c’est la chanson la plus célèbre de Barbara. Celle que tout le monde connaît, même ceux qui ne connaissent pas Barbara. Et ce vendredi soir, entre deux strophes de la chanson, Marie-Thérèse Fortin marque une très courte pause.

La tempête fait rage, dehors. On entend la pluie battre sur les vitres de l’Alliance Française de Toronto. Tout le monde est suspendu à la voix de l’artiste. Au piano d’Yves Léveillé et à la contrebasse d’Étienne Lafrance. La chanson se termine, et c’est un tonnerre d’applaudissements. Les artistes saluent, la gorge serrée, et Dominique Denis, directeur artistique de l’Alliance, monte sur scène, en tremblant, pour remercier le public.

Cette chanson, L’Aigle noir, on lui a donné beaucoup de significations, notamment psychanalytique, parfois de façon malheureuse, en la reliant un peu vite aux abus que la chanteuse a subis de la part de son père dans son enfance. On l’a tellement entendue qu’il est parfois possible que l’émotion se perde. On l’a tellement entendue qu’on l’a souvent extraite de son contexte. Et ce contexte, c’est le répertoire de Barbara. Dans sa tristesse et son espoir. Sa mélancolie et sa joie de vivre.

C’est donc à l’honneur de Marie-Thérèse Fortin que d’avoir d’abord présenté une dizaine de chansons de Barbara avant d’entonner la plus connue. Des grands classiques, comme Drouot, Nantes, ou Dis, quand reviendras-tu? à d’autres plus confidentielles. Notamment deux chansons humoristiques Maîtresse d’acteur et Les Amis de Monsieur. Avant que Barbara ne devienne la longue dame brune, titre que lui a décerné Moustaki, elle a commencé sa carrière en reprenant des chansons de cabaret. Et notamment des chansons de Fragson, qu’elle aimait à chanter à nouveau, alors que sa carrière était déjà bien établie. On a pu alors apprécier une autre facette de la personnalité de Barbara. « Les musiciens de Barbara et ses proches la dépeignent comme quelqu’un de très drôle, à se rouler par terre », explique Marie-Thérèse Fortin.

De Barbara, on retiendra toujours l’émotion à fleur de peau et l’humanisme simple et généreux. Gottingen est devenu un hymne à l’amitié franco-allemande et à la paix, et Perlimpinpin est un manifeste contre les intolérances : « Car un enfant qui pleure, / Qu’il soit de n’importe où,/ Est un enfant qui pleure, / Car un enfant qui meurt / Au bout de vos fusils/ Est un enfant qui meurt. / Que c’est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences! »

Mais si l’on ne devait retenir qu’une seule chose de Barbara, ce serait sans doute sa relation fusionnelle avec son public, à qui elle s’adresse souvent dans ses chansons, et à qui elle a dédié une de ses plus belles : Ma plus belle histoire d’amour. C’est vous.

Photo : Marie-Thérèse Fortin et ses musiciens