Spécialisée dans les arts du cirque à l’échelle humaine, la troupe québécoise Les Sept Doigts de la main présente un spectacle de danse original en trois volets intitulé Triptyque, du 15 au 19 novembre, lors de six représentations au Théâtre Bluma Appel (Canadian Stage), à Toronto.
Avec pour ambition de fusionner les arts du cirque et la danse contemporaine, le directeur artistique Samuel Tétreault a fait appel, pour chaque pièce, à un chorégraphe de renommée internationale : Marie Chouinard, Victor Quijada et Marcos Morau.
« Il ne s’agit pas juste d’intégrer des éléments de danse aux arts du cirque ou vice versa, prévient M. Tétreault, mais de fusionner ces deux disciplines et de voir comment elles peuvent dialoguer autour d’un thème qui les transcende : notre rapport à la gravité, au sens littéral comme au sens figuré. » Le cofondateur des Sept Doigts de la main fait référence à la fois à cette loi physique, cette force qui nous retient au sol, et tout ce qui nous écrase dans la vie : la mort, l’accident, la maladie. « Ces épreuves qui nous amènent à prendre nos responsabilités, à nous dépasser. L’antidote à cela, c’est l’humour, l’imaginaire, le rêve! »
Trois univers vont ainsi se succéder sous les yeux des spectateurs, évoquant une progressive émancipation de la gravité. La première pièce, Le Jardin des délices de la Montréalaise Marie Chouinard est la plus proche de la danse. Elle scelle la rencontre amoureuse entre un artiste de cirque et une danseuse évoluant sur des béquilles, passant de l’état de créature primitive à celui de quadrupède, dans une forme de légèreté naissante.
Dans la performance suivante, Variations 9.81, cinq équilibristes tenteront de dompter l’attraction terrestre. Une quête à mi-chemin entre le cirque et la danse imaginée par Victor Quijada, un spécialiste de l’esthétique hip hop, qui recourt à un plancher spécialement conçu pour cette pièce, avec des pommeaux rotatifs sur lesquels les artistes évolueront la tête en bas.
Dans Nocturnes, entre sommeil et veille, rêve et réalité, Marcos Morau explorera enfin l’inconscient, un état où l’esprit se libère en imaginant des solutions. Un affranchissement du terrestre qui verra les danseurs exécuter des prouesses physiques et aériennes sur corde, même si Samuel Tétreault se défend de vouloir faire du sensationnel.
« La recherche de figures acrobatiques extraordinaires n’est pas ce qui nous guide. On déjà vu beaucoup de choses dans ce registre et le public ne s’en satisfait plus. C’est d’abord une approche chorégraphique qui utilise le vocabulaire acrobatique », nuance le directeur artistique pour qui toute la difficulté a été de faire travailler des équilibristes rodés aux numéros d’immobilisme en solo sur des effets de groupe et des figures en mouvement. « On n’aurait pas pu arriver à ce résultat sans acrobates ayant une sensibilité pour la danse, une ouverture d’esprit sur la philosophie du mouvement, et des danseurs capables de s’entraîner à un travail aérien et d’exprimer une part de leur identité », affirme-t-il.
En associant l’immobilité et le mouvement, le terrestre et l’aérien, la prouesse et le lyrisme, Triptyque pousse un peu plus l’horizon du langage du corps humain, dans une chorégraphie qui se libère des contraintes physiques, suspend le temps et donne aux arts du cirque une dimension moderne, sans démesure. Un subtil alliage qui pourrait séduire des publics qui d’ordinaire qui ne se croisent pas, touchant les adeptes de virtuose acrobatique comme ceux de la théâtralité et de l’émotion.
Photo : Nocturnes du chorégraphe espagnol Marcos Morau (crédit : Alexandre-Galliez)