Le magnifique Koerner Hall du Conservatoire royal de Toronto a résonné ce dimanche 27 janvier de bien belles mélodies. Dans un contexte politique toujours incandescent, le concert Les trois visages de Jérusalem a invité les spectateurs à une réflexion sur le pouvoir de la musique et l’importance du vivre ensemble.

Comme l’explique en préambule Lawrence Cherney, directeur artistique de Soundstreams, organisateur du concert : « Je ne me souviens pas avoir connu un temps où le Moyen-Orient n’était pas en feu, au moins métaphoriquement. Le feu peut être positif mais également incroyablement destructeur, brûlant tout sur son chemin. Jérusalem est le symbole de ce paradoxe, le centre de gravité des grandes traditions de l’Islam, du judaïsme et de la chrétienté. J’espère que ce concert laissera l’assistance avec cette question : l’art peut-il faire une différence? »

Un des buts de ce concert était effectivement de montrer que les trois communautés peuvent cohabiter et travailler ensemble dans le respect et la compréhension, sans toutefois masquer les spécificités propres à chacune d’entre elles. Le concert débute avec la soprano Dawn Bailey et la mezzo soprano Laura Pudwell, hautes perchées aux premiers balcons et accompagnées de Ben Grossman à la vielle à roue. Quelque chose de mystique englobe la salle, sentiment qui ne quittera plus les spectateurs tout le concert durant.

Viennent ensuite le ténor Zach Finklestein, le baryton David Roth, Paul Jenkins et David Fallis pour représenter le côté chrétien de la musique de Jérusalem, l’acoustique exceptionnelle du Koerner Hall sublimant la voix des quatre chanteurs. L’Israélien Yair Dalal, l’Iranien Kiya Tabassian, Pierre-Yves Martel et la chanteuse Roula Said prennent possession de la scène et l’ambiance change imperceptiblement : la sitar de Kiya et le merveilleux son de l’oud de Yair emportent le public dans les ruelles de la Ville sainte, envoûtantes mélodies servies par la voix de Roula Said. Si Les trois visages de Jérusalem est une oeuvre collective, force est de constater que Yair Dalal et Kiya Tabassian, avec la chanteuse Françoise Atlan, sont un cran au-dessus de leurs camarades. Cette dernière éclaire le spectacle de sa voix généreuse :toute la tristesse, les combats, l’espoir aussi, bref, la beauté de milliers d’années chargées d’Histoire s’entend dans les mélodies pures de la vocaliste française.

La deuxième partie du concert voit tous les protagonistes interpréter Five and a Half Bridges du compositeur canadien James Rolfe sur un texte d’André Alexis. La pièce utilise le pont comme métaphore de la connection : passant du Pont-Neuf à Paris à l’Arche de Pierre du Yémen au Arkadiko de Mycènes, du Si-o-se-Pol d’Isfahan au Pont Alexandra d’Ottawa, l’oeuvre de James Rolfe se pense comme un voyage vers le pont imaginaire de Jérusalem pour, selon les mots du compositeur, « connecter Jérusalem à nos meilleurs fantasmes du monde ».