« On ne fait pas n’importe quoi avec les gens. On les traite bien. Vous comprenez ce que je veux dire? »
Largement plébiscité par le public et la critique, le film de Stéphane Brizé, La Loi du marché, débarque au TIFF le 15 avril. C’est l’occasion pour le journal Le Métropolitain de discuter des inspirations et des envies qui ont mené le réalisateur vers ce film au message puissant.
La Loi du marché, c’est l’histoire de Thierry, cinquantenaire, au chômage depuis plusieurs mois et de sa lutte, de tout instant, contre la loi du marché.
« La lecture des journaux, l’information qu’on entend. Les chômeurs, on en parle tous les jours, mais ça reste une abstraction. Je voulais mettre un visage sur un chiffre. Je voulais mettre de l’humain », explique Stéphane Brizé
En filmant La Loi du marché, le réalisateur filmait un disfonctionnement. Avec sa sensibilité pour l’humain, Stéphane Brizé a un œil pour la tragédie humaine et dans le cas de Thierry, incarné par un sublime Vincent Lindon, « il y avait une nécessité à mettre le personnage en lien avec le domaine politique ».
Avec son aspect réaliste, le film réussi à dépasser les clichés. En décidant de mettre à l’écran des acteurs non professionnels qui jouent en vérité leur propre rôle, le réalisateur offre une nouvelle dimension au long métrage. Caméra sur l’épaule, le mouvement de l’image crée chez le spectateur une constante attention, une urgence dans l’image. « Cela crée une fébrilité, note Stéphane Brizé. Ça vient lutter contre le numérique en rendant l’image plus vivante. »
Le spectateur suit Thierry dans ses étapes, ses interactions, ses tentatives. Que ce soit en réunion Pôle-Emploi ou lors de la vente de sa maison mobile, la société ne semble pas donner de répit à cet homme.
« C’est parce qu’il n’y a pas de répit pour les malheureux, répond le réalisateur. La loi du marché, c’est la loi de la vie. Et la puissance du cinéma, c’est de permettre de donner un point de vue, de nous mettre en empathie avec le personnage. » Une empathie qui, elle, ne se manifeste pas et que Thierry ne manifestera pas non plus alors à son nouveau poste de chargé de sécurité dans un supermarché.
Le supermarché que le réalisateur choisira car « c’est le temple de la consommation » et parce que c’est le lieu des invisibles : « Ce sont des gens tout en bas de l’échelle sociale. Au mieux, ils sont ignorés ou alors ils sont méprisés ».
Le film est porté par le superbe Vincent Lindon, qui sera récompensé d’un César et du prix d’interprétation masculine pour ce rôle à Cannes. L’acteur avec son style bien particulier saisi avec justesse la dureté d’une réalité très pragmatique.
« L’homme est plus grand que le système qui le contre », ajoutera Stéphane Brizé.
Photo: Vincent Lindon dans La Loi du marché (2015) de Stéphane Brizé