L’artiste Éric Farache expose à la galerie coopérative Loop jusqu’à la mi-juin. Une exposition étonnante, virevoltante et belle, pour un artiste à découvrir.
Soudain, il s’enflamme. Le jeune homme timide qui nous a accueillis à l’entrée de la galerie Loop n’est plus qu’un souvenir. Devant nous, une ébullition, un volcan en activité, une fourmilière d’idées qui fusent à 2000 à l’heure. Cela vrombit, cela éclot, cela nous saute au visage. Éric Farache s’agite, passe de l’anglais au français, puis du français à l’anglais, s’exprimant avec ses mains. Son regard, lui, reste droit. Planté dans les yeux de son interlocuteur, pour s’assurer qu’il comprend.
Autour de lui défilent ses œuvres. Figuratives et abstraites. Symboliques, le plus souvent, « même si je n’ai pas encore deviné tous les symboles », annonce-t-il dans un éclat de rire. Certains personnages reviennent régulièrement dans ses tableaux tel ce centaure, créature mythologique au corps de cheval et au buste d’homme. Éric Farache l’imagine dans plusieurs postures, surréalistes et quotidiennes. « Après l’amour avec une jeune fille qui lit un livre, prélassée, ou sur une planète minuscule, plus petite que lui, qui évoque celle qu’Antoine de St-Exupéry avait inventé pour son Petit Prince, cloîtré seul sur sa planète avec pour seule compagnie une rose piquante, orgueilleuse, coquette, exigeante, fragile, belle et malade de sa condition éphémère. Mais avec le grand avantage de pouvoir voir le soleil se coucher 43 fois en un jour.
Autre personnage récurent, un pierrot accroché à des ballons, comme pendu. « Les ballons rappellent la joie, les possibilités. Mais l’homme qui les vend est souvent seul. Une sorte de Pierrot, tiraillé entre la joie et la tristesse, accroché à ses ballons. »
Éric Farache a une particularité. Il ne jette rien. Jamais. Syndrome de fils d’immigrés, peut-être. Ses parents, de culture juive, sont venus du Maroc au Canada. Et une partie de sa famille vit en France. D’où un français vif, qu’il manie avec délectation. Son atelier est une caverne d’Ali Baba magnifique, peuplée de créatures du passé. Des figurines viriles, des boîtes, etc. Son art a en lui le même genre de désordre aussi ordonné que léger. Des scènes surréalistes sont sublimées par la douceur des coloris, et cette touche d’humour gentiment absurde, qui est la marque de fabrique de l’artiste.
Mais Farache est aussi un artiste qui sait s’engager, lorsqu’une situation le révolte. C’est le cas de la prison Don, qui ne possède pas de lieu pour que les prisonniers libérés puissent se changer. Au moment d’évoquer cette situation, le ton de l’artiste devient plus froid. Son regard plus dur. On ne rit plus. « Les gens se changent dans la rue, dans le froid et la neige. Il n’y a pas d’endroits pour faire attendre les visiteurs qui font la queue sur le trottoir. C’est immonde. » Pour exprimer sa colère, Éric Farache a dessiné ce qu’il a vu, sur un vieux papier centenaire, récupéré dans un marché aux puces de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Le résultat est bouleversant.
L’exposition Quixtopia d’Éric Farache est présentée jusqu’au 16 juin à la galerie Loop, 1273 rue Dundas Ouest (à l’ouest de Dovercourt). Pour tout renseignement : 416 516-2581.
Photo : L’artiste Éric Farache