Richard Caumartin
Le rendez-vous annuel de la littérature francophone à Toronto proposait sa 32e édition du 27 février au 2 mars à l’Université de l’Ontario français. Le Salon du livre de Toronto (SLT), qui avait pour thème « l’inclusion », a souligné ainsi la richesse et la diversité des auteurs issus de la francophonie et leurs œuvres.
La présidence d’honneur était assurée par Djemila Benhabib, autrice et journaliste canadienne d’origine algérienne. Elle s’est dit très honorée d’avoir été invitée, elle pour qui les mots et les pensées sont des armes puissantes.
« J’ai grandi en Algérie dans une famille très ouverte où l’on parlait plusieurs langues, raconte-t-elle. Mon grand-père était Algérien, ma mère est Grecque, je suis née en Ukraine, j’ai appris l’arabe avec mes grands-parents et le français avec ma meilleure amie. Chez moi, il y avait toujours de la place pour la discussion, le débat, les rencontres, le partage, et la contradiction n’était pas vue comme quelque chose qu’il fallait éviter.
« Dans les années 1990, en Algérie, nous avons vécu un épisode extrêmement traumatisant avec la montée d’un parti qui voulait faire de ce pays un État théocratique. Ils ont assassiné des poètes, des journalistes, des intellectuels, des policiers, des militaires et j’ai compris à ce moment-là la force des mots et des idées. Je n’ai jamais oublié cette période de ma vie qui continue à m’habiter aujourd’hui, à nourrir et irriguer mon esprit. Ce que je suis, je le dois à cette tragédie et j’en ai fait une force, une motivation. »
Parmi les activités du week-end, il y a eu le concours Jeune talent littéraire », une compétition d’écriture, de slams et de culture générale sur la francophonie ontarienne entre des étudiants du Collège Boréal et de l’UOF. Ce sont les jeunes de l’UOF qui ont terminé en première place et remporté un montant de 1000 $ offert par la Caisse Desjardins Ontario, montant qu’ils doivent dépenser en achetant des livres au SLT. L’annonce a été faite le dimanche, juste avant le dévoilement du récipiendaire du Prix Alain-Thomas.
Gabriel Osson a annoncé le nom du gagnant avec Yves Turbide, directeur général de l’Association des auteurs de l’Ontario français et partenaire du Salon pour la bourse de 2000 $. Ce prix récompense l’excellence littéraire dans la province et, cette année, 19 livres étaient en lice. Les trois finalistes étaient Le prince africain, le traducteur et le nazi de Didier Leclair, La cité de Kali de Sherman Sezibera et Un lourd prix à payer de Claire Ménard-Roussy. Le livre de Didier Leclair l’a emporté et la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Edith Dumont, lui a remis son prix.
« Je suis honoré de recevoir ce Prix pour trois raisons, explique l’auteur. J’ai connu Alain Thomas, quelqu’un de très chaleureux et sympathique. On se voyait au SLT et il m’a invité à quelques reprises à des cercles de lecture. Savoir que je reçois ce prix à son nom me fait grandement plaisir. La deuxième raison est que c’est au SLT que je le reçois et Toronto et moi avons une histoire très longue d’affection, une relation extrêmement profonde. C’est un peu ma deuxième maison ici que j’ai décrit dans mon premier roman.
« Finalement, je suis content parce que ce livre est différent. Mes romans sont habituellement des fictions tout à fait régulières mais celui-ci est une aventure que j’ai osé faire, c’est un « thriller », un roman d’espionnage historique avec une intrigue et je ne savais pas si le jury allait considérer ce style d’écriture, ce genre de roman. Cela démontre que ce jury est ouvert à tous les genres et je l’en remercie. »
Pour le président du SLT, Valéry Vlad, c’est la grande soirée littéraire du samedi soir avec une vingtaine d’auteurs sous le thème Ode à la diversité qui a été, pour lui, le moment fort du Salon.
« La rencontre de ces auteurs a été quelque chose d’extraordinaire. Il y a eu une communion autour de ce thème d’inclusion et de diversité. C’était vraiment exceptionnel! On ne voit pas souvent un contact humain de ce genre entre les auteurs et le public. D’ailleurs, la vidéo est disponible sur YouTube. Nous avons choisi comme thème « l’inclusion » pour réaffirmer nos valeurs, ce qui est nécessaire pour notre survie. Ce qui fait de nous le Canada sont nos valeurs, la diversité et l’inclusion. Cette joie de vivre ensemble. Si on laisse nos voisins du Sud nous interdire nos valeurs, nous disparaîtrons. C’est un Salon de la résistance auquel nous avons eu droit au cours des derniers jours », résume le président.
Photo : De gauche à droite : Valéry Vlad, Yves Turbide, Didier Leclair, Edith Dumont, Gabriel Osson et la directrice générale du SLT, Eunice Boué