En transition présente à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 31 mars les œuvres de six photographes québécois à la Galerie Connections de Toronto (au 1840, avenue Danforth), sur le thème du changement.

André Denis, Judith Bellavance, Caroline Hayeur, Nathalie Garceau, Jean-François Leblanc et Guy Lafontaine, par ailleurs commissaire de l’exposition, témoignent à leur façon de bouleversements, qu’ils soient d’ordre environnemental, industriel, économique ou humain.

« Notre société traverse un nombre sans précédent de changements, explique M. Lafontaine. Leur accélération peut nous donner l’impression que tout va plus vite, que le temps se comprime. Plusieurs transitions s’accompagnent de l’impossibilité du retour en arrière, leur finalité imposant un nouvel état des choses. L’incertitude accompagnant ces transitions nous incite à nous adapter et, souvent, à accepter une nouvelle réalité. À nous de se l’approprier et la faire nôtre jusqu’à ce qu’une nouvelle transition s’amorce. »

À la manière d’un documentaliste urbain, Guy Lafontaine présente les images d’un complexe hôtelier québécois fermé et voué à la démolition, à la suite d’un conflit social. « C’était un sentiment étrange de marcher et de photographier ce qui me semblait être un bateau qui coulait, dit-il. J’étais préoccupé par la documentation des différents domaines que nous traversions. Sachant que mes images seraient les dernières prises de cet endroit encore debout. »

Son minutieux travail de collecte documentaire de sites « en sursis » est très proche de celui d’André Denis. Cofondateur de la galerie Dazibao, cet explorateur de friches industrielles porte un regard singulier sur l’échangeur Turcot et de l’autoroute Bonaventure, à Montréal. « Par sa morphologie complexe et son échelle gargantuesque, cette autoroute parcourt l’espace public en une multitude de petits théâtres, a-t-il constaté. Un flux constant de personnes s’y déplace, toutes transitoires. Ce que je veux capturer, c’est ce moment précis de la décision et du départ, ce moment du décollage. »

Le public découvrira également une série de photos de Jean-François Leblanc montrant des jeunes du quartier ouvrier de St-Henri. Cet adepte du photojournalisme, dont on retrouve les travaux dans les collections du Musée national des Beaux-Arts du Québec, du Cirque du Soleil et de Postes Canada, est membre du collectif montréalais Stock Photo. Tout comme Caroline Hayeur qui se concentre sur les thèmes de l’humanité, de l’émotion et des liens entre les personnes.

Extrait de la série de Judith Bellavance

Ses clichés – présentés à la Foire Québec en 2016 – cohabitent avec ceux de Nathalie Garceau qui livre une part d’elle-même dans une série intimiste sur les derniers jours de la vie de son conjoint  : « J’ai choisi de mêler le portrait environnemental et en studio, dit-elle. Ces deux styles de portraits réalisés à l’aide d’un film moyen format étaient une vision de l’avenir, car nous savions tous deux que le moment viendrait bientôt où il fermerait les yeux pour toujours. Jusqu’à ce moment, une transition impitoyable aurait lieu. »

Judith Bellavance, quant à elle, collecte, classe, ordonne et archive cheveux, animaux et tissus, « autant d’objets s’immisçant dans cette banque d’images que j’ai bâtie au fil du temps, tel un répertoire au quotidien de l’altérité, confie-t-elle. J’associe de manière libre et intuitive ces objets qui ont le potentiel de construire des fictions narratives. Les liens de proximité entre eux sont des énigmes ouvertes sur le monde. »

En réponse à la venue des photographes québécois à Toronto, six artistes de l’Ontario exposeront à Montréal, du 12 au 18 juin, au sein de la galerie Carte Blanche, nourrissant entre les deux provinces un dialogue artistique et un éventail d’interprétations du thème de la transition.