OTTAWA – La Gendarmerie royale du Canada évalue les éventuels dommages causés par l’arrestation, la semaine dernière, d’un officier supérieur du renseignement, a déclaré lundi la commissaire Brenda Lucki.
Dans une déclaration écrite, Mme Lucki a indiqué que l’arrestation de Cameron Jay Ortis, âgé de 47 ans, accusé en vertu de la Loi sur la protection de l’information, avait « ébranlé plusieurs employés de la GRC, en particulier ceux du service de la police fédérale ».
M. Ortis fait également l’objet de deux accusations criminelles, notamment d’abus de confiance, pour avoir prétendument tenté de divulguer des informations secrètes à une entité étrangère ou à un groupe terroriste. Selon la poursuite, il aurait « obtenu, stocké, traité des informations sensibles (…) avec l’intention de les communiquer à des personnes auxquelles il ne devrait pas les communiquer ». L’acte d’accusation énumère sept chefs au titre de diverses dispositions, pour des allégations s’étalant du 1er janvier 2015 jusqu’à son arrestation jeudi dernier.
« Bien que ces allégations, si elles étaient avérées, soient extrêmement perturbantes, les Canadiens et nos partenaires en matière d’application de la loi peuvent avoir confiance que nos priorités demeurent l’intégrité des enquêtes ainsi que la sûreté et la sécurité du public que nous servons », a soutenu Mme Lucki lundi le 16 septembre.
La commissaire a également confirmé que M. Ortis était directeur général du Centre national de coordination du renseignement de la GRC. À ce titre, il avait accès à de l’information que possédait « la collectivité canadienne du renseignement », mais aussi « à des renseignements provenant de nos alliés nationaux et internationaux ».
M. Ortis avait amorcé sa carrière à la GRC en 2007, où il a occupé des postes au sein de la Recherche opérationnelle et des Enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale.
« L’enquête est en cours. Nous évaluons les conséquences des activités présumées au fur et à mesure que l’information devient disponible », a assuré Mme Lucki. « Nous sommes conscients des risques potentiels pour les opérations de nos partenaires au Canada et à l’étranger et nous les remercions de leur collaboration soutenue. Soyez assurés que des stratégies d’atténuation sont mises en place, au besoin. »
Un « modèle de discrétion »
Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas trop voulu commenter lundi l’impact de cette affaire sur les partenaires du Canada au sein de l’alliance d’échange de renseignement « Five Eyes », qui regroupe aussi les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
« Je pense que les gens comprendront que je ne peux faire aucun commentaire public à ce sujet, mais je peux vous assurer que les autorités responsables sont en communication aux plus hauts niveaux, y compris avec nos alliés », a déclaré M. Trudeau lors d’un arrêt de campagne à Waterloo, en Ontario.
Avant de se joindre à la GRC, M. Ortis a étudié les ramifications internationales des recoins les plus sombres d’internet. Il avait obtenu son doctorat à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) en 2006, un an avant de se joindre à la police fédérale et après sept ans d’études supérieures.
Il a publié deux essais coécrits avec l’un des principaux experts de l’UBC sur la Chine et l’Asie, le professeur de sciences politiques Paul Evans.
Un article de 2003 publié dans The Pacific Review semble aujourd’hui prophétique sur la montée de la cybercriminalité et de l’utilisation d’internet comme outil de surveillance gouvernementale. « Le côté obscur ne permet pas de conclure qu’internet est l’ennemi de ceux qui souhaitent construire un ordre régional plus stable et plus pacifique », écrivaient toutefois les deux intellectuels.
Ils prédisaient quand même que les organisations et les réseaux non gouvernementaux seraient menacés « par leur infrastructure, leur confidentialité, leurs listes de diffusion, leurs abonnements électroniques et leurs bases de données ».
Dans une déclaration à La Presse canadienne, le professeur Evans décrit M. Ortis comme « un modèle de discrétion ». Rien ne l’amènerait à penser « qu’il serait de quelque façon que ce soit impliqué dans des activités qui conduiraient à de telles accusations ».
SOURCE: Mike Blanchfield, La Presse canadienne