Coup dur pour la francophonie ontarienne : le jeudi 15 novembre, par le biais de son énoncé Perspectives économiques et revue financière 2018, le ministre des Finances Vic Fedeli annonçait l’intention du gouvernement provincial d’éliminer le Commissariat aux services en français. Peu de détails entourent pour le moment cette décision outre que les plaintes seront à l’avenir traitées par l’ombudsman, un officier indépendant de l’Assemblée législative dont le mandat, semblable à celui du Commissaire aux services en français, touche tous les types de grief à l’endroit d’un vaste pan du secteur public. Autre nouvelle qui n’est pas passée inaperçue : le gouvernement laisse tomber l’idée de créer l’Université de l’Ontario français.

Aucune donnée n’a été dévoilée quant aux économies que permettront ces deux mesures. Mais pour les Franco-Ontariens, ce tournant drastique ne se chiffre pas qu’en dollars. Le Commissariat aux services en français, créé en 2007 et devenu indépendant de l’Office des affaires francophones en 2014, s’était taillé une place de choix dans la vie sociopolitique en français, non seulement par son traitement des plaintes, mais aussi parce que le Commissaire, Me François Boileau, est une des personnalités les plus estimées des francophones.

Quant à l’Université de l’Ontario français, bien qu’elle ne se fût pas matérialisée, à cette étape du projet, par un lieu concret, elle n’en existait pas moins du point de vue légal et dans les attentes de la communauté. Il y a un an presque jour pour jour, le 14 novembre 2017, le gouvernement en entérinait la création par le dépôt d’une loi qui en définissait les assises et, peu après, un comité de mise en oeuvre avait été créé pour élaborer le contenu académique et trouver un emplacement. En avril dernier, un Conseil des gouverneurs avait pris le relais et il était pour ainsi dire acquis que l’université accueillerait ses premiers étudiants dès 2020.

Tous les efforts investis dans ces deux institutions très fortement soutenues par la francophonie ontarienne deviennent aujourd’hui caduques. Qui plus est, il ne s’agit pas de la première fois que les progressistes-conservateurs, au pouvoir depuis juin dernier, font tomber le couperet sur la francophonie : si sa prédécesseur libérale était devenue ministre en bonne et due forme, Caroline Mulroney a quant à elle été rétrogradée ministre déléguée aux Affaires francophones.

Les récriminations n’ont pas tardé quant à ce qui est perçu comme un recul, voire une hostilité déclarée à l’endroit des Franco-Ontariens. Il faut dire cependant que la réduction des dépenses publiques touche un large éventail de secteurs. Le parti au pouvoir n’a jamais, non plus, fait mystère de son intention de s’attaquer vigoureusement au déficit et à la dette qui, sous les libéraux, avaient littéralement explosés.

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario étant la voix politique des Franco-Ontariens, il allait de soi que son président, Carol Jolin, réagisse à ces nouvelles : « On avait un engagement de M. Ford pendant la course à la chefferie du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, promesse renouvelée lors de la campagne électorale, sur le projet d’Université de l’Ontario français. La ministre de la Formation, des Collèges et des Universités et la ministre déléguée aux Affaires francophones s’étaient formellement engagées après l’élection sur la continuation de ce projet important pour la francophonie ontarienne, surtout dans le Centre-Sud-Ouest. C’est plus que décevant que cet important engagement n’ait pas été tenu. Pour ce qui est du Commissariat aux services en français, nous avons des craintes légitimes que le respect de la Loi sur les services en français devienne de moins en moins important pour le gouvernement de l’Ontario et ses différentes agences. » M. Jolin a, dans la foulée de ces annonces, demandé à rencontrer d’urgence le premier ministre.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les progressistes-conservateurs, sous Doug Ford, auront raté leur chance de nouer des liens amicaux avec les communautés francophones qui, depuis la « Révolution du bon sens » de Mike Harris, ont toujours craint de faire les frais de politiques de droite. Les récentes annonces n’auront certes pas aidé à dissiper ce sentiment d’aliénation. Un autre « Montfort » en vue?

 

PHOTO: Queen’s Park