En cet été 1950, la photographe américaine Lida Moser arrive au Québec. Le magazine Vogue l’a envoyée au Canada avec un objectif : « Photographier ce que je voulais », disait-elle en 2004. La photojournaliste va alors explorer la province, de Montréal à Gaspé. Elle ramènera de ce voyage plus de mille clichés, instantanés qui brossent un portrait de la vie dans le Québec de l’époque. Presque 70 ans plus tard, ce travail est au centre d’un documentaire, projeté à Toronto le 30 juin. La cinéaste Joyce Borenstein signe Lida Moser photographe, qui raconte cette odyssée au travers d’un support plutôt inattendu : le film d’animation.

C’est important. Ce récit graphique est une manière de « rendre accessible » un « sujet complexe », explique le professeur Norman Cornett, docteur en histoire, universitaire, spécialiste de l’histoire du Canada français, qui anime les discussions suivant les projections du film. Les images de Lida Moser racontent le Québec d’avant la Révolution tranquille. En s’y intéressant, le documentaire permet de « démystifier le Canada français de l’époque », qui « ne connaissait pas de frontières entre le Québec et l’Ontario » ou d’autres provinces, poursuit Norman Cornett.

On découvre notamment, au travers des images, les « liens avec la France par le folklore, les contes, les chansons et les danses », dit-il encore. Les photographies montrent une vie « difficile et simple », « un retard industriel et technologique » par rapport au reste de l’Amérique du Nord.

La culture est très présente, aussi. À l’époque, la journaliste voyage avec l’ethnographe Luc Lacourcière, Félix-Antoine Savard, doyen de la faculté de lettres de l’Université Laval, et Paul Gouin, conseiller culturel de Maurice Duplessis, qui « lui a présenté toute l’élite du Canada français », restitue Norman Cornett. Pourtant, « l’ironie du film, c’est que Lida Moser est avec les plus grands du Canada français, mais fixe son objectif sur le peuple ».

Son travail relève du documentaire; ses photographies représentent des témoignages bruts. Elle était une pionnière du reportage photographique, et « excellait dans le photojournalisme à une époque où les femmes étaient rares sur le terrain », résume le New York Times dans une nécrologie publiée après son décès en 2014. C’est aussi ce que montre le film de Joyce Borenstein, fruit d’heures d’entretiens.

Tous ces éléments font que le film et la discussion s’adressent aux amateurs de photographie autant qu’aux férus d’histoire. Ou à ceux qui veulent se plonger dans le Canada français d’il y a près de 70 ans.

Projection du film Lida Moser photographe, suivie d’une discussion avec le professeur Norman Cornett. Le 30 juin de 12 h 30 à 14 h 30 au cinéma Imagine Carlton, 20, rue Carlton à Toronto. Présenté par le Female Eye Film Festival.

 

PHOTO: Le film d’animation Lida Moser photographe retrace le voyage de la photographe au Québec, en 1950.