Grâce à de généreux donateurs, le Musée des beaux-arts de l’Ontario a fait l’acquisition de six dessins au cours des cinq dernières années. Dans l’ombre de la grande exposition sur Frida Kahlo et son Diego Rivera de mari, ces six dessins représentent tout de même un point charnière, en matière d’art
pictural.

Pas moins que le passage d’un art académique, dont la figure de proue est Fragonard, tourné vers l’Italie, à un art romantique, naturaliste. Cet art naturaliste se retrouve dans une figure transversale, celle du cheval. « Plus belle conquête de l’homme », puissant compagnon des conquêtes napoléoniennes, le charme épique de l’hippique créature séduit les peintres de l’aube du XIXe siècle. Un cheval dont la force et la vitalité sont montrées en miroir des modèles qui le chevauchent.

Le portrait du cavalier, sous les pinceaux de Géricault, David, ou Gros, c’est d’abord le portrait du cheval. Surtout chez Géricault. Théodore de son prénom. Dont les portraits de hussards et d’officiers à cheval ne sont que des prétextes pour peindre et dessiner les quadrupèdes. 

Le Chasseur chargeant (le chasseur est un soldat, pas un amateur de chasse). Le tableau reste sans doute l’un des plus beaux de ce peintre qui inventa presque le romantisme pictural, et qui est plus connu du public pour son très célèbre Radeau de la méduse.

Peu à peu, un glissement s’opère et, chez Géricault comme chez ses contemporains, le cheval n’est plus uniquement le symbole de la guerre, mais aussi celui de la nature. C’est là que nous retrouvons nos six dessins, dont deux sont consacrés au cheval et les autres, à la nature.

Ce n’est plus une nature ordonnée que l’on retrouve dans les peintures classiques. Ce n’est pas non plus une nature mythique, issue des visions mythologiques des Italiens. Non, c’est d’une nature libre qu’il s’agit. Libre, imparfaite, plus naturelle, finalement. Presque réaliste. Cet intérêt artistique pour la nature accompagne la dominance nouvelle du romantisme.

C’est dans la nature que le jeune Victor Hugo, le vieux Chateaubriand vont méditer. C’est au bord d’un lac que Lamartine pleure en enjoignant le temps de suspendre son vol. C’est la nature qui est le miroir de l’âme du poète et du peintre. La nature qui est havre et refuge pour l’artiste. Une nature tranquille et franche, au service d’un art qui préfigure les changements artistiques, mais aussi sociaux, économiques et politiques du temps.

Photo : Théodore Géricault : Scène de course.