La récente requête déposée par la compagnie d’aviation Porter Airlines pour obtenir une exemption de la présente interdiction d’utiliser des avions à réaction à Billy-Bishop, aéroport situé à deux pas du centre-ville sur les îles de Toronto, semble soulever des passions au sein de la Ville reine.
« Quand on regarde l’augmentation du nombre de voyageurs depuis ces dernières années (20 000 à 2 millions de passagers par an), il est clair que nous rendons un réel service au public », affirme Brad Cicero de la compagnie Porter Airlines. Les avions de Porter Airlines et d’Air Canada effectuent en moyenne 202 décollages et atterrissages par jour, maximum aujourd’hui autorisé.
Porter Airlines souhaite désormais offrir des choix de destinations plus éloignées que celles qui sont proposées aux voyageurs à l’heure actuelle. Brad Cicero explique qu’afin de pouvoir mettre en place 22 vols journaliers pour des destinations telles que Vancouver, Los Angeles, la Floride ou les Caraïbes, Porter Airlines se voit dans l’obligation d’utiliser des avions à réaction, au lieu des appareils à hélice propulsive employés présentement.
Or, l’entente tripartite passée entre le gouvernement fédéral, les autorités portuaires et la Ville de Toronto interdit justement l’usage d’avions à réaction. Cette interdiction fut mise en place afin de limiter la nuisance sonore au centre-ville et sur les îles. Brad Cicero affirme cependant que le nouvel avion à réaction CS-100 construit par Bombardier Aerospace permettrait de respecter ce seuil de nuisance. Selon M. Cicero, le CS-100 est à peine plus gros que le modèle à hélice propulsive Q400 actuellement en service aux îles. Le premier exemplaire de CS-100 doit prendre son envol en juin 2013.
« Nous faisons confiance à la compagnie Bombardier que les 12 avions pour lesquels nous avons placé une option d’achat respecteront les normes de bruit imposées à l’aéroport Billy Bishop », confie Brad Cicero. La compagnie prévoit de passer une autre commande pour 18 autres avions ultérieurement. La piste d’atterrissage devrait également être allongée de 168 mètres à chaque extrémité afin d’accommoder le nouvel appareil. Une modification qui n’entraînerait aucun déplacement des bouées qui limitent la navigation fluviale aux abords de l’aéroport, selon Brad Cicero.
Le gouvernement fédéral et les autorités portuaires de Toronto ont déjà indiqué que ce sera à la municipalité de Toronto de décider si cette demande d’exemption doit être accordée ou non. Lors de sa dernière réunion en date du 7 mai, le comité exécutif de la mairie de Toronto a approuvé qu’une étude soit menée pour déterminer si une levée d’interdiction puisse être accordée au CS-100 ou bien si le bannissement des avions à réaction soit purement ou simplement aboli. Les normes de nuisance en matière de bruit resteraient inchangées. Les résultats de cette étude doivent être présentés à la Ville le 3 juillet prochain.
Le maire Ford déclarait récemment à la presse qu’il était favorable à la demande faite par Porter Airlines. Il affirmait avoir reçu la confirmation de la compagnie d’aviation que le nouvel avion n’était pas bruyant. Selon lui, le projet est bon pour les affaires, crée des emplois et constitue une richesse pour la ville.
La perspective de voir des avions à réaction atterrir et décoller des îles de Toronto a cependant soulevé un tollé de la part d’autres responsables politiques.
« Je m’oppose à ce projet. Je veux que le front de mer offre aux Torontois un environnement sain, dynamique et durable, répond Rosario Marchese, député provincial pour la circonscription de Trinity-Spadina, lors d’un entretien en français. Les avions à réaction entraîneront une augmentation de la circulation aux abords de l’aéroport, une augmentation du niveau de bruit, une perturbation des activités nautiques et un envahissement de l’espace public. On ignore en plus si ces nouveaux avions respecteront les normes de bruit ou pas. »
Olivia Chow, députée fédérale pour la circonscription de Trinity-Spadina, est également opposée à la demande faite par Porter Airlines.
« Les efforts de revitalisation entrepris par les trois niveaux de gouvernement commencent à porter leurs fruits. Plus de gens et de commerces aménagent près du lac. Les nouveaux parcs et services qui viennent d’être mis à la disposition des résidents sont très appréciés. Les îles de Toronto demeurent une des destinations préférées des Torontois », affirme la critique officielle en matière de transport au sein de l’opposition.
Rosario Marchese et Olivia Chow font remarquer par ailleurs que le quartier des affaires bénéficiera de toute façon d’un accès rapide à l’aéroport Pearson quand la nouvelle ligne ferroviaire en cours de construction sera prête en 2015.
Les Torontois du centre-ville semblent divisés sur ce sujet. Beaucoup aiment pouvoir simplement se rendre aux îles pour prendre l’avion sans avoir à se rendre jusqu’à l’Aéroport international Pearson. Ils sont aussi soucieux de préserver les espaces naturels aux abords du lac Ontario. Dilemme bien difficile à résoudre puisque l’un va quelque peu à l’encontre de l’autre.
De toute évidence, c’est la Ville de Toronto qui tranchera au cours du mois de juillet. Il ne fait aucun doute que les discussions seront passionnantes et animées!
Photo : Un avion au décollage aux îles de Toronto