Jean-François Gérard
L’Histoire est-elle seulement une question de grands hommes? Non, a démontré Françoise Bâby, une guide certifiée de Montréal, lors d’une visioconférence avec la Société d’histoire de Toronto, le mercredi 24 avril. L’organisme maintient occasionnellement ce type de rendez-vous en ligne pour permettre à des intervenants hors de la Ville reine de partager leur savoir.
Pendant plus d’une heure, la guide s’est intéressée aux « pionnières de Montréal » entre 1642 et 1771. Une sélection de sept portraits de femmes qui se distinguent des « Filles du Roy », envoyées en Nouvelle-France à partir de 1663, et dont l’histoire a été racontée de manière remarquée au Théâtre français de Toronto l’automne dernier. Ou encore des « filles à marier », un peu moins nombreuses et un peu plus tôt. Même si leurs destins se croisent parfois.
C’est notamment le cas de Marguerite Bourgeoys, qui voyage dans un bateau avec 15 « filles à marier ». Elle arrive avec l’intention de fonder la première école à ce qu’on appelait encore Ville-Marie. Mais la colonie étant en manque d’enfants en âge d’apprendre à cette époque, elle se consacre alors à la construction de la première chapelle dédiée à la Vierge Marie. Lorsque les bancs d’école se garnissent, elle poursuit un objectif novateur par rapport à la France : « donner aussi de l’éducation à des filles de classe inférieure et Autochtones », explique la guide.
D’autres femmes marquent la ville de leur empreinte comme Marie Morin, « la première religieuse canadienne », car née à Québec en 1649. À Montréal, elle devient ensuite « la première historienne canadienne » car elle a dressé des annales de l’Hôtel-Dieu. C’est aussi le cas de Marguerite d’Youville, née à Montréal en 1701 et qui prend la direction générale de l’hôpital.
« Les femmes ont eu un rôle sur les trois piliers de notre société : l’éducation, la santé et les services sociaux », résume Françoise Bâby. Ses explications nous emmènent sur des lieux du Vieux-Montréal encore reconnaissables aujourd’hui à l’aide des images qu’elle projette.
La vie de ces femmes se distingue aussi par leur longévité, la plupart ayant dépassé les 60 ans, voire le centenaire pour l’une d’elles. Le tout à une époque où l’espérance de vie en France était de 26 ans. Selon Françoise Bâby cela s’explique par le fait que la colonie était beaucoup moins dense que les villes françaises, ce qui permettait aux maladies de moins se transmettre.
La reconnaissance de cet héritage féminin a mis du temps à émerger. Françoise Bâby raconte elle-même avoir découvert le parcours de certaines de ces femmes moins connues « il y a seulement quelques années ». En 2017, Montréal a mis en place Toponym’elles, une banque de noms pour que les femmes soient mieux présentes dans l’espace public, à la hauteur de leur contribution.
Photo : La guide a aussi évoqué le parcours de Jeanne Mance, infirmière laïque venue de France qui a dirigé l’Hôtel-Dieu. Jeanne Mance est une figure du Monument à Maisonneuve à la Place d’Armes, Montréal.