L’examen attentif des archives nous réserve parfois des surprises. 

L’histoire veut qu’en 1814 des mercenaires suisses, au service de la couronne britannique, mirent le feu à la Maison-Blanche à Washington. On raconte aussi que la grande majorité de ces soldats étrangers retournèrent en Europe une fois la guerre terminée. 

Or, la vraie version des faits est tout autre. La trentaine de personnes qui assistèrent à la conférence donnée par Danièle Caloz à l’Alliance française de Toronto purent en faire le constat. Historienne et fondatrice de la Société d’histoire de Toronto, Mme Caloz présentait ainsi le troisième volet de sa trilogie sur la Guerre de 1812.

Danièle Caloz est allée fouiller dans des archives conservées dans sa Suisse natale. En consultant les journaux personnels d’officiers de deux régiments suisses, celui de Watteville et du Meuron, elle a pu se rendre compte de l’incroyable épopée qu’ont vécue ces régiments d’étrangers en terre d’Amérique au début du XIXe siècle. Par la même occasion, elle est aujourd’hui en mesure de détruire certains mythes.

Le dédain qu’éprouvaient les fils de bonne famille helvétiques envers la Révolution française et la carence de soldats que connaissaient les régiments britanniques firent qu’un bon nombre de Suisses se retrouvèrent à faire la guerre pour l’Angleterre. On s’engageait alors pour sept ans. Le contrat réglait la vie quotidienne du soldat dans ses moindres détails. Il stipulait même quand un officier pouvait couper et se laisser pousser la moustache. Pour elle, ils iront bourlinguer aux Indes, en Sicile et même jusqu’au Canada. Le régiment de Watteville établira ses quartiers généraux près de Kingston au Haut-Canada. En 1814, il prendra part aux batailles autour des lacs Ontario et Érié. Le régiment du Meuron s’installera au Bas-Canada et combattra les Américains dans la région du lac Champlain.

Bien que ces deux régiments étaient commandés par des officiers issus de vieilles familles suisses, la grande majorité des soldats venaient en fait d’un peu partout. On comptait même parmi eux des Sri Lankais et des Guadeloupéens. On y parlait donc un curieux patois composé à partir de l’anglais, du français et de l’italien.

S’il s’avère que les troupes britanniques mirent bien le feu à Washington en août 1814, la lecture du journal personnel des officiers révèle que le régiment de Watteville se trouvait en fait à des milliers de lieux de là durant cet épisode, à Niagara au Haut-Canada selon toute vraisemblance. Cette expédition aurait été menée en représailles du saccage de la ville de York l’année précédente par les troupes américaines. La résidence présidentielle ne sera pas épargnée par le feu. 

Ces mêmes journaux personnels nous apprennent également qu’un bon nombre de ces soldats étrangers décidèrent de rester au Canada à l’issue de la guerre. Peu enclins à retourner dans une Europe en ruine et à faire gonfler le surplus de troupes à l’issue des guerres napoléoniennes, on retrouvera certains de ces soldats jusqu’à la colonie de la Rivière rouge, aujourd’hui la province du Manitoba. Engagés pour protéger les premiers habitants de cette toute nouvelle colonie, ils devront endurer un premier hiver particulièrement rigoureux. De ces soldats, on ne retrouve de nos jours que quelques traces. Des rues ou des lacs portant les noms de Watteville et Meuron témoignent du passage des deux régiments suisses en Ontario, au Québec et au Manitoba.

Des événements en Europe allaient précipiter la fin de la guerre. La chute de Napoléon en avril et la paix de Gand en décembre mirent un terme aux hostilités. Après trois années de conflit sanglant, on décida au bout du compte de retourner aux frontières d’avant 1812! Tant de souffrance pour rien. 

Pour en savoir plus sur les conférences et visites guidées organisées par la Société d’histoire de Toronto : www.sht.ca 

Photo : Danièle Caloz