Sébastien Pierroz
OTTAWA – Quatorze questions pour autant de réponses. Les formations politiques avaient du pain sur la planche devant le questionnaire de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Contrairement à 2014, les trois partis officiels à Queen’s Park ont répondu cette fois-ci à temps au questionnaire, mais les réponses divergent.
«Provincialiser» le mandat de l’Université de l’Ontario français? Affirmatif, semble répondre le Nouveau Parti démocratique (NPD). «Nous nous assurerons que cette université à vocation provinciale sera détentrice d’un véritable mandat provincial. Dût-on déterminer que la mise en œuvre d’un mandat provincial exige une modification du cadre législatif, nous présenterons un nouveau projet de loi dans ce sens», peut-on lire dans ce qui constitue la 6ème question de l’AFO.
En revanche, les libéraux ne paraissent pas aller aussi loin. «Cette université va bonifier l’offre d’éducation postsecondaire en français dans la province. Une fois ouverte, nous sommes confiants que l’Université de l’Ontario français acceptera des étudiants de partout en Ontario, au Canada et au monde.»
Les progressistes-conservateurs se montrent, eux, les plus sobres dans leur réponse. «Nous sommes engagés à continuer le projet de l’Université de l’Ontario français.»
Le dossier de l’Université de l’Ontario français a connu un coup d’accélérateur important au cours des derniers mois. On sait maintenant que le campus sera ouvert à Toronto éventuellement en 2020. Mais le mandat de l’établissement, considéré comme trop régional, mécontente beaucoup d’organismes.
Réponses différentes sur le bilinguisme officiel de la province
Second sujet aux réponses assez différentes: le bilinguisme officiel de la province de l’Ontario. Un sujet qui s’était justement invité dans la campagne après les déclarations du candidat néo-démocrate, Guy Bourgouin, en faveur du projet.
Si l’on se fie aux réponses envoyées, le NPD valide les propos de son candidat dans Mushkegowuk-Baie James , mais avec une nuance. «Nous nous engageons à identifier les mesures auxquelles il faudrait recourir pour que l’Ontario devienne, officiellement, une province bilingue – en commençant par un examen critique approfondi de la Loi sur les services en français.»
Conformément à ce qu’#ONfr avançait la semaine dernière, les libéraux se montrent toujours plutôt froids sur la question. Celle-ci est même éludée. «Il y a à présent 26 régions désignées à travers l’Ontario. Plus de 80 % de la population francophone de l’Ontario réside au sein de ces régions. Dans ces régions, les francophones reçoivent des services en français.»
Dans un style toujours plus concis, le Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario répond aussi à côté. «Nous nous engageons à moderniser la Loi sur les services en français (LSF). Et contrairement aux libéraux qui se contentent de faire des annonces sans passer à l’action, nous nous engageons et nous moderniserons la LSF.»
Pour le président de l’AFO, Carol Jolin, l’objectif reste toujours que les 26 régions désignées se transforment en «une seule région désignée qui engloberait tout l’Ontario». Une étape préalable selon lui avant que la province obtienne un statut semblable au Nouveau-Brunswick, la seule province du Canada officiellement bilingue.
Accord sur la refonte de la LSF, mais…
Car s’il y a bien un dossier où les trois partis accordent leur violon, c’est bien celui de la modernisation de la Loi sur les services en français. Un engagement pourtant pris par le gouvernement en novembre 2016 au moment du 30e anniversaire de cette loi symbolique, mais qui n’a pas été mis en oeuvre.
Les méthodes semblent tout de même différer: pour le NPD, il sera question d’une «large consultation» pour engager la refonte, si le parti est élu, le 7 juin prochain. Les libéraux, de leur côté, ne donnent pas de garantie que cette modernisation passera par une désignation de toutes les régions de l’Ontario. «Nous avons fait passer la Loi sur les services en français garantissant l’accès aux services en français dans les régions désignées et avons créé le poste de commissaire aux services en français.» Le Parti PC ne détaille pas, quant à lui, sa méthode.
«Pour l’Université et la LSF, il y a encore énormément de travail à faire», assure M. Jolin. «Néamoins, c’est très bien que les partis s’engagent à la modernisation de la loi. Nous avons fait beaucoup de lobbying pour cela. Nous souhaitons que ce soit dans la lettre de mandat du futur chef.»
L’AFO avait envoyé ce questionnaire fin avril aux différents partis politiques. Les formations disposaient alors d’un peu plus de trois semaines pour composer leurs réponses.
SÉBASTIEN PIERROZ
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