Une nuit politique avec Louise Déry

C’est sous le regard de la lune que les marcheurs de Nuit Blanche déambulaient dans les rues de Toronto. Le 1er octobre est le jour où les choses se troublent. La nuit devient le jour, elle lui vole son activité quand les citadins sortent de chez eux à 20 h, 2 h ou 4 h pour redécouvrir une ville transformée par des artistes du monde entier. Qu’est-ce qui différencie le jour et la nuit sinon le ciel? Un ciel pour la contemplation, un ciel pour la réflexion, mais également un ciel pour la suspicion.

« J’ai toujours imaginé qu’un artiste est quelqu’un qui se tient debout devant le monde. On dit toujours que l’artiste ouvre une fenêtre sur le monde, qu’il voit les choses autrement », note Louise Déry.

La commissaire d’exposition mettait en place le projet Facing the Sky à l’occasion de Nuit Blanche Toronto. Imaginée telle une nébuleuse, l’exposition composée de 10 installations entraînait le spectateur dans une redécouverte du ciel lors d’un parcours des sensations.

Ce ciel que l’on observe, que l’on ressent, que l’on sent même tout au long du parcours est un ciel qui ne dort pas, un ciel où les activités politiques et économiques règnent en maîtres. Toute une vie qui se déroule juste au-dessus de notre tête.

« Depuis une dizaine d’années, le ciel n’est plus un site de contemplation, mais est devenu un site commercial. On achète des parcelles de ciel pour les réseaux sans fil. Les entreprises de la communication ont besoin du ciel pour faire passer les communications et maintenant les pays ouvrent une partie de leur ciel », explique la commissaire d’exposition québécoise.

Electrosmog Toronto, Jean-Pierre Aubé

Un douche d’ondes électroniques
Une activité créant un smog électronique souligné par l’œuvre Electro Smog Toronto de Jean-Pierre Aubé qui répertorie une pluie d’ondes, véritable douche sur la ville.

« Un artiste, il fait quoi aujourd’hui avec le ciel? Il fait comme Jean-Pierre Aubé. Il voit les compagnies de télécommunications, il voit la pollution. Le smog du ciel, ce n’est pas seulement le smog des voitures, c’est le smog électronique », ajoute Louise Déry.

Le savoir ancestral des Premières Nations
Des œuvres qui se répondent et s’interpellent, qui dessinent ce ciel politique. Alors que Jean-Pierre Aubé souligne la pollution électronique, le cinéaste Zacharias Kunuk en représente les conséquences dans Inuit Knowledge and Climate Change, un film enregistré en Inuktitut et révélant l’impact du changement climatique sur la relation de compétence des Premières Nations en rapport à la nature.

Inuit Knowledge and Climate Change, Zacharias Kunuk

En parcourant Facing the Sky le spectateur passait de l’image au phénomène pour vivre l’expérience du ciel à travers les yeux des artistes.

L’odeur des nuages
Plus que les yeux, c’est à l’odorat que s’adressait l’artiste Julie Fortier avec son installation Ascension. L’artiste olfactive s’intéressait à l’odeur du ciel.

« Le ciel est composé à 85 % d’azote qui n’a pas d’odeur donc qu’est-ce qui pourrait être l’odeur du ciel? Ce sont ces polluants en fait. J’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui est polluant dans l’air autour de nous. Il ne faut pas oublier que l’on vit dans un bocal. La planète est un espace confiné. »

En investissant l’espace de l’installation, l’artiste élève le public de plus en plus haut dans le ciel en marquant le plus bas par des odeurs lourdes de bitumes, de plastique pour une ascension vers une idée de légèreté.

« Le ciel commence à la limite du sol », notait Louise Déry, elle qui le dévisageait le temps d’une nuit, blanche.