Ici, pas de négociations à n’en plus finir, ni de grève interminable. Comme tous les vendredis soir, une vingtaine d’amateurs de hockey, issus de tous les horizons de la diaspora francophone de Toronto, s’apprêtent à entrer sur la glace pour leur partie hebdomadaire.
Les Goalois, puisque c’est ainsi qu’ils se sont nommés, enfilent coudières, jambières, épaulières, culottes et maillots dans le vestiaire. Les conversations vont bon train. Tout y passe, de la grève dans la LNH à l’allaitement des nouveau-nés!
À les écouter se lancer des piques amicales, il est évident que le Breton Jean-Philippe Revel-Chopra, le Franco-Manitobain Norbert Piché, le Québécois André Boisvert et l’anglophone Owen Moorhouse partagent non seulement la même passion pour le sport préféré des Canadiens, mais apprécient tout autant l’atmosphère amicale au sein du groupe.
Leurs origines diverses se reflètent dans le choix des maillots qu’ils portent ce soir-là. Le blanc des Jets et des Capitals, le tricolore des Canadiens, sans oublier le bleu des Nordiques, des Maple Leafs et des Goalois s’allient sans problème.
« C’est le fun. Le hockey me manquait depuis quelque temps. Je me suis dit qu’il fallait que je recommence. J’aime aussi rencontrer d’autres francophones », confie Norbert Piché avant de mettre son casque et de pénétrer sur la patinoire du complexe sportif RINX.
Créé il y a une dizaine d’années par un groupe de Québécois et de Français, la Ligue francophone de hockey, aussi connue sous le nom de la French Hockey League, passa à travers une période difficile jusqu’à ce que Jean-Philippe Revel-Chopra prenne les rênes en janvier 2010.
Grâce à une campagne de publicité dans les médias et aussi un peu à la victoire des deux équipes nationales aux Jeux olympiques de Vancouver, le groupe grandit alors rapidement pour atteindre une bonne vingtaine de joueurs et joueuses.
« On est capable maintenant d’aligner deux équipes, chacune avec un banc complet, et de pouvoir ainsi tourner », se réjouit Jean-Philippe.
Pour les joueurs d’origine européenne, c’est le désir d’apprendre un nouveau sport et de s’intégrer dans la culture de leur pays d’adoption qui les motive à se joindre au groupe. « J’étais le plus mauvais, et je le suis encore », affirme sans hésitation Bertrand Voinot, originaire de France. « Mais, tu as fait de gros progrès comme nous tous », renchérissent ses coéquipiers.
Pour les Canadiens de souche, c’est bien souvent un retour à une passion d’enfance. « J’ai toujours adoré le hockey », avoue Nathalie Ouellet, une des quatre ou cinq femmes qui jouent régulièrement. Elle se remémore avec tendresse les moments passés à jouer avec ses amis d’enfance sur la patinoire installée derrière la maison de son voisin.
« On rejouait souvent plusieurs fois la même action de jeu. Nous faisions même nos propres commentaires en imitant René Lecavalier : Lafleur passe à Cournoyer et but », se souvient-elle.
Une de ses amies lui avait conseillé de couper les griffes placées à l’avant des lames de ses patins artistiques. Elle se lamente qu’à l’époque il n’y avait pas de ligue pour les filles. Elle dût donc se résigner à jouer au ballon-balai. Mais quand elle vit à la télévision l’équipe féminine remporter la médaille d’or, son cœur ne fit alors qu’un tour!
Les temps ont bien changé et Nathalie n’eut aucune difficulté à être acceptée parmi les Goalois. Elle reconnaît cependant que ses partenaires masculins sont très rapides et que parfois elle doit lutter pour tenir le rythme et éviter les mises en échec, involontaires mais parfois inévitables.
« Je suis assez petite, alors c’est sûr que c’est moi qui vole parfois », partage-t-elle avant d’insister sur le fait que les joueurs s’abstiennent de toute violence. Il n’est donc pas question de crosse haute, de charge contre la balustrade, de rudesse ou de bagarre.
Le match se déroule sans dispute et sans arbitre. Le banc des pénalités restera d’ailleurs vide durant toute l’heure de jeu. Les participants suent rapidement à grosses gouttes alors que les passes, les tirs et les changements de ligne s’enchaînent sans interruption.
Pour parer à la carence de joueurs francophones, la ligue permet aussi aux francophiles de participer. « Je parle le français sur la glace, comme à la maison car mon épouse vient de France », fait remarquer Owen Moorhouse dans un français impeccable.
« Il faut que je pratique mon anglais de temps en temps », ajoute-t-il avec un brin de malice en se tournant vers Paul Dollak, un autre anglophone du groupe. Nathalie souligne que même si les deux langues sont couramment employées sur le banc, les anglophones du groupe apprennent « Passe la puck » en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire!
Outre la difficulté de pouvoir aligner un groupe exclusivement composé de francophones s’ajoutent les coûts encourus pour monter une telle équipe. « Nous cherchons un commanditaire pour nous acheter des maillots. Jusqu’à maintenant, seul un fournisseur de pizzas nous a offert une vingtaine de rondelles », avoue Jean-Philippe, en espérant que le père Noël se montrera peut-être généreux cette année.
Chaque année, les Goalois participent au tournoi francophone provincial, compétition durant laquelle leurs résultats s’améliorent d’année en année. À en juger par le grand nombre de joueurs qui viennent récemment d’avoir des bébés, il est fort à parier que dans un avenir proche une seconde génération d’irréductibles Goalois remporteront le trophée.
Pour plus d’informations au sujet de la French Hockey League, contactez Jean-Philippe Revel par courriel : reveljp@gmail.com.
Photo : De gauche à droite : (1re rangée) Kevin Van Passen (gardien), Bertrand Voinot, Jean-Philippe Revel, Norbert Piché, André Boisvert (gardien); (2e rangée)
Marion Oliver, Amelia Leeksma, Christian Castel, Catherine Gouin, Nathalie Ouellet, François Pellecuer, Joe Taylor (caché derrière), Eric Jennings, Owen Moorhouse, Frédéric Bachelier, Paul Dollak, Luc Noël, Franklin Garrigues, David Ballouard, Ron Landry, Edwin Lim, Denys Bégin.