Le lundi 1er avril, le Toronto Star publiait un long article portant sur un usage inapproprié que le personnel et la direction de La Passerelle I.D.E. auraient fait de billets de spectacle et de match sportif. Ces billets étaient remis à l’organisme par Kids Up Front, une fondation dont le mandat est de donner aux enfants défavorisés la chance de voir leur artiste préféré en spectacle ou leur idole sportive en action. Kids Up Front partage chaque année des dizaines de milliers de billets entre 350 agences de toutes sortes qui doivent ensuite les distribuer aux familles à bas revenu avec lesquelles elles sont en contact.

La Passerelle I.D.E. n’a pas spécifiquement pour mandat d’aider les démunis mais intervient parfois auprès de gens qui correspondent à ce profil puisque sa clientèle est composée pour l’essentiel d’immigrants et de familles monoparentales. Or, selon l’enquête menée en février et mars par Kevin Donovan du quotidien torontois, l’organisme aurait distribué ces billets à tout-va, sans réelle considération pour ceux à qui ils étaient en fait destinés. Sous couvert de l’anonymat, sept personnes (employés présents, passés et contractuels) ont expliqué au journaliste que les billets étaient, dans bon nombre de cas, utilisés par les membres du personnel, des visiteurs de France de même que par la directrice générale, Léonie Tchatat, et son mari, Guy Taffo, comptable de l’organisme. Parents et amis des uns et des autres auraient également bénéficié de ces billets gratuits.

Si l’on en croit les commentaires recueillis, il semble que les employés ne connaissaient pas l’usage qui devait être fait de ces billets, simplement mis à la disposition de tous. Mme Tchatat a défendu la réputation de son organisme en faisant savoir que la disponibilité de ces billets était publicisée sur la page Facebook de l’organisme et que seuls les billets restants, à quelques heures du spectacle ou du match, étaient donnés au personnel. La politique établie entre Kids Up Front et ses partenaires veut cependant que les billets non utilisés, à moins de 24 heures de leur expiration, soient retournés à la fondation pour qu’elle puisse tenter de les remettre à d’autres organismes.

Qui plus est, Le Métropolitain a consulté le contenu de la page Facebook de La Passerelle I.D.E pour les six derniers mois et a constaté que l’objectif véritable que doit servir ces billets, soit permettre à des enfants et adolescents issus d’un milieu modeste d’assister à des spectacles, n’y est pas mentionné. Un message en date du 1er février invite ainsi les internautes à s’adresser à l’organisme pour obtenir des billets pour l’opéra Così fan tutte selon le principe du « premier arrivé, premier servi ». Les 22 et 23 novembre, la distribution des billets pour un match des Raptors était présentée comme un « nouveau concours pour les familles avec enfants », avec précision qu’ils doivent être immigrants mais sans mention de leur statut économique. Autre exemple : les 12 et 15 octobre, un match de soccer opposant le Canada et la Dominique était simplement offert aux  immigrants sans plus de détail.

D’après le Toronto Star, Kids Up Front aurait donné 782 billets d’une valeur de 54 000 $ à La Passerelle I.D.E. au cours des deux dernières années. La fondation a suspendu sa collaboration avec l’organisme depuis le début de l’enquête du Star en attendant de mettre au clair la situation.

Quant à Léonie Tchatat, elle est très connue dans la communauté franco-torontoise et siège notamment à la Commission ontarienne des droits de la personne. Mme Tchatat n’a pas retourné les appels du Métropolitain qui désirait recueillir ses commentaires et explications.

PHOTO: Léonie Tchatat, directrice générale de La Passerelle I.D.E.

MISE À JOUR: Depuis la mise en ligne de cet article, La Passerelle I.D.E. a réagi à l’enquête du Toronto Star par voie de communiqué. L’organisme se déclare « déçue » de l’image que le quotidien présente de sa gestion des billets et, bien qu’admettant qu’un malentendu mineur ait pu se glisser dans sa relation avec Kids Up Front, insiste sur la transparence qui caractériserait ses rapports avec la fondation. « La Passerelle I.D.E. continuera à poursuivre avec fierté sa mission et à l’accomplir », a prosaïquement déclaré Farah Ghorbel, présidente du conseil d’administration de l’organisme.