Le premier ministre Justin Trudeau affirme avoir profondément modifié le visage de son cabinet pour répondre aux défis qui s’annoncent dans les prochaines années.

« Je pense que les gens comprennent à quel point on est en train de vivre des moments de conséquences au pays et à travers le monde », a-t-il expliqué, le mercredi 26 juillet, devant la nouvelle mouture de son cabinet.

Il a dit vouloir « donner un nouveau souffle d’énergie à cette équipe avec des nouveaux membres ». Le nouveau cabinet Trudeau est formé de 38 ministres, soit 19 femmes et 19 hommes. Pas moins de 23 ministres ont changé de portefeuille, 7 députés accèdent au cabinet et 7 le quittent.

Interrogé à savoir pourquoi il avait jugé opportun de changer son cabinet en profondeur, M. Trudeau a indiqué qu’il voulait mettre de l’avant l’équipe appropriée pour les besoins du moment, notamment sur le logement et l’inflation.

Le premier ministre a d’ailleurs assuré qu’il ne s’agissait pas là d’un cabinet préélectoral, alors que les conservateurs chauffent les libéraux dans les sondages. Il s’agit plutôt d’un « cabinet pour gouverner », a-t-il assuré.

« On s’attend à pouvoir gouverner encore pendant une couple d’années, les élections ne sont pas prévues avant l’automne 2025. On a énormément de choses à faire pour livrer pour les Canadiens. »

Un noyau économique presque intact

Dans cet important rebrassage de cartes, M. Trudeau a conservé ses piliers dans les ministères économiques. Chrystia Freeland, François-Philippe Champagne et Mary Ng sont arrivés tous les trois ensemble à la cérémonie d’assermentation, un symbole prouvant qu’ils resteraient dans le noyau économique du conseil des ministres, respectivement aux Finances, à l’Innovation aux Sciences et à l’Industrie, et au Commerce international.

Anita Anand, ancienne ministre de la Défense nationale, vient compléter le trio comme présidente du Conseil du trésor. L’ex-ministre de la Protection civile, Bill Blair, prend du galon et la remplace à la Défense nationale.

En point de presse, Mme Anand a dit qu’elle travaillerait avec son équipe pour s’assurer de pouvoir livrer des services aux Canadiens, tout en adoptant une approche fiscale « prudente ».

Chrystia Freeland, qui est également vice-première ministre, a fait valoir que Mme Anand avait été une « extraordinaire » ministre de la Défense nationale, ajoutant qu’il était nécessaire de se concentrer maintenant sur l’économie.

« Aujourd’hui, l’enjeu, le défi principal pour le Canada, pour notre pays, c’est, comme Bill Clinton l’a dit : l’économie, l’économie, l’économie. C’est notre cible principale », a-t-elle soutenu.

« Le premier ministre a créé une équipe extraordinairement forte. »

Marie-Claude Bibeau, qui assumait les fonctions à l’Agriculture, hérite elle aussi d’un ministère plus économique, avec le Revenu national. Diane Lebouthillier, une élue de la Gaspésie qui était responsable de ce ministère depuis 2015, est quant à elle mutée aux Pêches, aux Océans et à la Garde côtière canadienne.

De nouveaux venus aussi

Plusieurs nouveaux visages s’ajoutent toutefois au lot. Arif Virani, un élu de la circonscription ontarienne de Parkdale-High Park, sera responsable de la Justice à la place du Québécois David Lametti. À sa première conférence de presse en tant que ministre, M. Virani a été invité à se prononcer sur l’épineuse question de la loi 21 au Québec sur la laïcité de l’État, qui fait l’objet d’une contestation judiciaire.

« Le premier ministre et M. Lametti, mon prédécesseur, étaient déjà très clairs, disant que si cet arrêt se rend au niveau de la Cour suprême, on sera là comme gouvernement du Canada, on va intervenir », a-t-il indiqué. Il a refusé de donner son avis personnel sur la loi québécoise.

Jenna Sudds, elle aussi une élue ontarienne, devient quant à elle ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

Karina Gould, qui était responsable de ce portefeuille, devient quant à elle leader du gouvernement à la Chambre des communes. Mme Gould, qui a annoncé qu’elle attendait son deuxième enfant au mois de janvier, sera remplacée pendant son congé de maternité par le whip en chef du gouvernement, Steven MacKinnon.

On note aussi l’arrivée de la députée québécoise d’Hochelaga, Soraya Martinez Ferrada, qui est nommée ministre du Tourisme et responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Elle est la seule députée québécoise à être nouvelle ministre.

Parmi les ministres expérimentés, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, sont reconduits à leur poste.

Pablo Rodriguez, qui était au Patrimoine canadien, est muté aux Transports et conserve son poste de lieutenant du Québec. Sa collègue québécoise Pascale St-Onge, qui a piloté l’important dossier de Hockey Canada, prendra la place de M. Rodriguez.

Sur le litige en cours avec Google et Meta, Mme St-Onge a dit que sa porte était toujours ouverte pour trouver une entente avec eux en lien avec le projet de loi C-18. « Je pense que les géants du web comprennent qu’ils vont devoir participer à cette réussite-là de nos médias et notre culture », a-t-elle indiqué.

Des mutations crève-coeur

L’ex-ministre des Relations Couronne-Autochtones, Mark Miller, n’a pas caché sa déception de changer de dossier pour celui de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. « C’est une position que j’aurais volontiers pu garder. Ce n’est pas à ma discrétion, on sert tous le premier ministre, on est tous remplaçables », a-t-il indiqué. « Oui, c’est avec regret que je quitte la position. (…) Ça n’enlève en rien mes engagements personnels que j’ai entrepris envers les communautés autochtones. » C’est le député ontarien Gary Anandasangaree qui lui succédera.

Jean-Yves Duclos, qui était un interlocuteur important des provinces à la tête du ministère de la Santé, assumera de nouvelles responsabilités aux Services publics et à l’Approvisionnement. L’ex-leader du gouvernement, Mark Holland, reprendra son flambeau à la Santé.

Interrogé à savoir s’il s’agissait d’une rétrogradation pour lui, M. Duclos est resté tout en nuance.

« C’est une promotion et une démotion à la fois. Une démotion parce que je ne pourrai plus faire ce que j’ai beaucoup aimé faire à la santé, mais c’est une promotion significative (…) parce que ça me donne des outils majeurs, on parle de dizaines de milliards de dollars en contrats annuels », a indiqué le député de Québec.

De nombreux départs

Parmi les ministres qui se sont vu montrer la porte, on retrouve Marco Mendicino, David Lametti et Mona Fortier. Ce n’était pas une surprise pour M. Mendicino, qui a été grandement critiqué notamment pour sa gestion du dossier sur le transfert du meurtrier Paul Bernardo.

Dans une déclaration envoyée sur les réseaux sociaux, M. Mendicino a affirmé qu’il avait été « honoré » d’être ministre pendant quatre ans. Il a assuré qu’il terminera son mandat et qu’il se représentera aux prochaines élections.

De son côté, M. Lametti a félicité son successeur et s’est réjoui d’avoir fait adopter 13 projets de loi comme ministre. Dans sa longue déclaration écrite, il n’a toutefois pas précisé s’il finira son mandat comme député ou s’il se représentera comme député de LaSalle-Émard-Verdun.

Finalement, Mme Fortier a confirmé sur X (anciennement Twitter) qu’elle restera députée de la région d’Ottawa et qu’elle tentera de se faire réélire aux prochaines élections.

Les ex-ministres Omar Alghabra, Carolyn Bennett, Helena Jaczek et Joyce Murray avaient annoncé dans les jours précédant le remaniement qu’ils ne se représenteront pas aux prochaines élections.

Le conseil des ministres doit se réunir plus tard cet été pour une retraite préparatoire à la session parlementaire de l’automne.

Réactions des oppositions

Les partis d’opposition n’ont pas tardé à réagir à la nouvelle composition du conseil des ministres.

Alors que le chef conservateur Pierre Poilievre met l’accent sur la sécurité publique et le logement afin de séduire un plus grand nombre de Canadiens, il blâme M. Trudeau pour de nombreux problèmes au pays tels que l’accélération de l’inflation, les taux de criminalité et le manque de logements abordables.

« Son gouvernement est un échec. Ce qui est amusant, c’est que le seul ministre responsable de ces échecs n’a pas été déplacé. Et ce ministre, c’est Justin Trudeau », a commenté M. Poilievre, le 26 juillet.

Le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a déclaré que le « remaniement ministériel démontre que le gouvernement est conscient lui-même que plusieurs de ses ministères sont dysfonctionnels ».

« Dans les deux dernières années, le gouvernement s’est montré incapable de gérer plusieurs dossiers : la crise des passeports, le chaos dans les aéroports, la crise du logement, l’ingérence étrangère, les retards dans les dossiers d’immigration, l’assurance-emploi, notamment », a-t-il soutenu dans une déclaration écrite.

Les néo-démocrates ont également critiqué le bilan du gouvernement alors que le coût de la vie, du prix des denrées alimentaires au logement, augmente dans tout le pays.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a indiqué qu’il proposerait une nouvelle politique du logement aux libéraux à l’automne, dans le cadre de cette entente de soutien et de confiance en vertu de laquelle les néo-démocrates ont accepté d’appuyer le gouvernement minoritaire jusqu’en 2025.

M. Singh a dit que l’annonce d’un nouveau cabinet ne pouvait pas effacer les échecs passés des libéraux. Le Parti vert a fait écho à ce sentiment, déclarant dans un communiqué que le remaniement avait plus à voir avec les apparences qu’avec la résolution des problèmes.

Source : La Presse canadienne / Avec les informations de Michel Saba à Ottawa