Pour l’ouverture de la nouvelle série de débats à l’Alliance française, le vendredi 22 novembre, le public est venu nombreux pour une réflexion sur la place du français dans le concert des langues mondiales. Intitulé Le français est-il soluble dans le XXIe siècle?, le débat a poussé, plus de deux heures durant, intervenants et spectateurs à échanger différents points de vue. Pour animer le débat, l’Alliance française avait convié Christiane Dumont, enseignante de français à la faculté LAPS de l’Université York, comme modératrice. À ses côtés, trois experts de la langue française sont venus donner leur avis éclairé: Danielle Turcotte, directrice générale des services linguistiques de l’Office québécois de la langue française (OQLF), Gisèle Quenneville, journaliste à TFO, et Christian Marjollet, linguiste de formation enseignant le français dans les programmes internationaux de l’École de commerce Seymour Schulich à l’Université York.

Une des grandes problématiques liées à la place du français est le cas de la normalisation. Que faire devant les différents types de français? Là où le Français va utiliser le terme « canapé », le Québécois parlera de « sofa » et le Franco-Ontarien de « couch ». L’utilisation de l’anglais peut aussi être perçue comme une menace pour la survie de la langue de Molière. Mais l’ombre de l’anglais, « ce grand méchant loup », n’est pas trop alarmante selon Christian Marjollet. « Il n’y a pas le feu. Si on regarde les statistiques, les mots anglais ne représentent que 2 % de la langue française. On a de la marge, explique celui qui n’hésite pas à utiliser les termes « win-win » ou « lead »
lors de ses cours. Le plus important est que le message passe. »

Les instances de normalisation du français, telle l’Académie française ou l’OQLF, ont parfois bien du mal à être entendues. « Il est assez difficile de donner une définition claire au français, explique Danielle Turcotte. Les niveaux de langage ainsi que la régionalisation du français font qu’il est extrêmement difficile d’arriver à une solution qui satisfasse tout le monde. Selon moi, toutes les variétés de la langue, que ça soit le picard, le québécois ou le français du Cameroun, doivent être reconnues. » Mais ce n’est pas parce que l’Académie française décide que tel terme doit être utilisé au profit d’un autre que cet avis fait loi. Au final, ce seront toujours les gens qui décideront d’utiliser un mot, ou pas.

Il existe également un complexe d’infériorité par rapport au « français de Paris »,  supposé être la référence ultime, comme l’explique Gisèle Quenneville au détour d’une anecdote : alors qu’elle passait des vacances en France, une de ses nièces déclare à sa fille :
« Toi, tu parles pas le vrai français ». Cet exemple résonne dans l’assistance : quelques Alsaciens, gens du Sud ou Camerounais viennent corroborer l’existence de ce complexe, avouant pour certains avoir décidé de « cacher leur accent ».

À l’heure de la mondialisation, qui donne une place prépondérante à l’anglais, et de l’ère numérique, qui voit la syntaxe mise à mal à coups de messages à 140 caractères, la place du français dans le XXIe siècle reste une vaste question. Une chose est certaine : la langue étant un vecteur de substance, quand elle s’appauvrit, les idées transmises s’appauvrissent avec elle. Il faudra donc faire en sorte de ne pas céder à un nivellement par le bas et se tourner peut-être du côté de l’Afrique, qui accueillera 90 % des francophones en 2050, pour trouver un début de réponse.

Photo : Gisèle Quenneville (à gauche) et Danielle Turcotte