Peter Hominuk, directeur général de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), a reçu le recteur et vice-chancelier de l’Université de l’Ontario français (UOF), Pierre Ouellette, à sa webémission Sous les projecteurs du mardi 11 janvier. Il y a été question des événements qui ont marqué la première session d’étude de l’université francophone du sud de la province.
Pierre Ouellette est un homme du Nord ontarien. Natif de Harty, il a fait des études en histoire à l’Université Laurentienne. Brièvement détourné de cette voix, car on lui répétait que ça ne servirait pas à grand-chose, il a fondé deux journaux et est devenu professeur et recteur de l’Université de Hearst avant de venir s’installer à Toronto avec sa famille, il y a environ cinq ans, pour diriger Radio-Canada Ontario.
Recteur de l’UOF depuis six mois, Pierre Ouellette affirme avoir du talent pour mobiliser les gens autour d’un projet commun; d’ailleurs, il l’a fait à tous les postes qu’il a occupés.
« Par contre, affirme-t-il, je ne suis pas immunisé à répéter des erreurs. Le contexte change et on emprunte des formules semblables et on peut se tromper. »
Lorsqu’il est devenu recteur à l’Université de Hearst, il a fait face à un défi important sur le plan du recrutement. « Avec des collègues, on a décidé de transformer l’université en renouvelant l’approche pédagogique et le recrutement international », explique-t-il.
Il est clair, plusieurs années plus tard, que c’était la voie à suivre malgré la réticence de certaines personnes à l’époque. « L’international est maintenant une des forces de l’Université de Hearst », ajoute-t-il.
Fier de son équipe
À l’UOF, M. Ouellette se dit très heureux des avancées de son équipe et de son travail. « Quand nous n’avons pas atteint la cible d’inscriptions, les gens ont critiqué l’Université, mais il faut être patient », déclare-t-il.
Depuis son ouverture, l’UOF a offert ses premiers cours, s’est adaptée à la COVID, a formé le sénat universitaire et travaille activement à la création du carrefour de l’innovation et de l’apprentissage.
« On commence tout juste à faire des présentations aux 10e et 11e années. Bâtir une tradition universitaire francophone dans le Centre-Sud-Ouest prendra jusqu’à une génération complète », affirme-t-il.
Son équipe désire que ce soit une expérience positive de qualité et non du va-vite. « Un de mes constats depuis mon entrée en poste, c’est qu’il faut se détacher de l’urgence pour aller vers l’importance. Certes, répondre à certaines urgences, mais se réserver de l’énergie pour travailler les choses à long terme et, surtout, savoir faire la différence entre les deux », partage le recteur.
D’ici la fin de l’année scolaire, l’UOF pourrait atteindre jusqu’à 150 étudiants pour une première cohorte. Plutôt bien si l’on compare à la première cohorte de l’Université York qui était de 216 étudiants.
Il y a eu deux facteurs qui ont joué un rôle important dans le nombre d’inscriptions.
« Avec la COVID, tout s’offre à distance. Certains étudiants ont décidé d’attendre que le présentiel revienne. Puis, l’accès au permis d’étude pour les étudiants internationaux, notamment ceux d’Afrique, était difficile et a occasionné des délais très importants », précise M. Ouellette. Il assure qu’ils sont sur la bonne voie et cite le proverbe africain selon lequel un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois. « On va y aller de façon méthodique », ajoute-t-il.
Les priorités actuelles sont d’étoffer la vie étudiante sur le campus afin de créer une expérience positive et l’examen du plan stratégique. « On opère avec le plan stratégique de 2018. Avec mon équipe, on se rencontre en personne pour la réorientation stratégique afin de se donner des priorités et nommer nos champs d’intérêt », dit-il.
Au cours de l’entretien, Pierre Ouellette mentionne plusieurs autres pistes de croissance envisagées par l’UOF telles que d’autres baccalauréats en éducation, en gestion et gouvernance, en santé et en justice.
L’UOF veut mettre en place un programme de sport et des ententes de mobilité entre l’Europe, l’Afrique et même le Québec.
« Les ententes de mobilité étudiante ont très bien fonctionné à Hearst. Il y a plein de potentiel. Les ententes de mobilité pour profs existent aussi », s’exclame-t-il. D’ailleurs en parlant de l’international, un des professeurs de l’UOF est arrivé directement de Londres en Angleterre afin d’y enseigner.
L’importance d’étudier en français
Alors, pourquoi étudier en français? En 40 ans de carrière, il y a une forte chance qu’une personne bilingue travaille en anglais une partie de sa vie, mais aussi en français une autre partie.
« Il y a plus de 10 millions de francophones au Canada et un énorme marché francophone à l’international. Pourquoi se fermer cette porte? », rétorque M. Ouellette.
Le recteur mentionne que d’ici 2030, il pourrait y avoir 100 000 postes disponibles dans le secteur francophone.
« Il faut augmenter le taux de diplomation francophone rapidement pour répondre à ce besoin. Pour moi, ce n’est pas juste important, c’est viscéral », dit-il. En effet, seulement dans le secteur de l’éducation, il y a un manque d’environ 10 000 enseignants en langue française pour satisfaire les programmes et l’UOF tente de répondre à cette pénurie.
« L’UOF, c’est par et pour les francophones. Le Centre-Sud-Ouest est riche d’une diversité croissante; 35 % de l’immigration canadienne arrive dans le Grand Toronto. Si on veut être pertinent pour cette francophonie, il faut qu’on la vive. Il faut qu’on lui ressemble », ajoute M. Ouellette.
Le recteur mentionne aussi l’importance de travailler avec les institutions déjà en place telles que le Collège Boréal, le Collège La Cité, le Collège universitaire Glendon et autres partenaires.
« Si on retourne aux documents fondateurs, l’UOF est bâti sur un ADN de collaboration et j’aimerais que le gouvernement revoie sa façon de financer les institutions non pas en insistant sur la compétition, mais plutôt sur la collaboration », confirme-t-il.
L’UOF est née dans la controverse, mais sera forte à long terme. « Les gens ont des attentes. Je comprends tout à fait et j’aime mieux ça que de travailler dans l’indifférence », conclut-il.
PHOTO – Pierre Ouellette