À l’occasion de la Journée internationale de tolérance zéro aux mutilations génitales féminines, l’organisme de défense pour les femmes victimes de violence, Oasis Centre des femmes, menait le 6 février un forum sur la pratique de l’excision.
L’excision touche chaque année trois millions de jeunes filles de par le monde. Une des « formes les plus cruelles de la violence faites aux femmes », observait la directrice d’Oasis, Dada Gasirabo, rappelant l’enracinement de la pratique dans des croyances, mais la désignant avant tout comme l’un des nombreux exemples de l’aspiration au contrôle du corps de la femme par les sociétés.
L’excision se définit comme l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins et l’on retrouve différents types d’excisions tels que l’ablation partielle ou totale du clitoris, jusqu’au rétrécissement de l’orifice vaginal, rapportait la Dre Nesrine Bouzit, l’une des conférencières présentes au forum L’excision, parlons-en.
Si les risques physiques à court et long termes sont lourds – saignement, difficulté pour uriner, douleurs chroniques, dysfonctionnement sexuel, lacérations vulvaires, infertilité – les conséquences psychologiques de l’excision sont majeures dans la compréhension du sujet.
« Dans les médias, on a tendance à parler des conséquences médicales, mais beaucoup moins des raisons de l’excision », rapporte la Dre Sophia Dona Koukoui présente sur Skype au forum.
La psychologue clinicienne rapporte que la pratique de l’excision diverge selon les pays et, pour certains, elle représente un rite de passage, un acte culturel qui, s’il n’est pas fait, peut tendre à exclure la personne de la communauté.
« Elle ne pourra peut-être pas être scolarisée avec les autres, participer aux activités sociales, ce qui la rend vulnérable. Des parents se sentent contraints simplement pour que leurs enfants s’inscrivent dans le corps social », indique Sophia Dona Koukoui.
Cette dernière différenciait deux types de rapport à l’excision; celles pour qui l’excision peut déclencher un état de stress post-traumatique et des symptômes dépressifs.
« Les femmes peuvent avoir des flash-backs. Elles se souviennent de la douleur physique et du sang », rapporte la psychologue.
Mais il existe aussi celles pour qui il n’y a pas eu de souffrance et qui ont tendance à mieux vivre l’excision, observe la psychologue qui rappelle que l’âge à laquelle une femme est excisée varie selon les pays, allant de deux jours après la naissance jusqu’à l’âge de 20 ans.
Sophia Dona Koukoui soulignait le choc pour ces femmes que pouvait être la découverte de l’acte de l’excision comme quelque chose de « mal » alors que l’acte est affiché comme « normal » dans leur pays.
« Cela remet en question la famille, le rapport à la mère. La femme peut se dire comment ma mère qui m’aime a pu laisser faire cette pratique? Est-ce que ma mère est une abuseuse d’enfants? », explique la Dre Koukoui, soulignant l’importance de donner la possibilité aux femmes de parler à une personne de confiance qui saura écouter sans juger.
L’excision, interdite dans de nombreux pays dont le Canada, est pourtant une pratique courante et légale dans d’autres. Parmi les pays dont on décompte un taux de plus de 80 % de femmes excisées figurent la Somalie, la Guinée, le Soudan, le Mali et l’Égypte.
Entre 2005 et 2009, le Canada accueillait 10 482 immigrants égyptiens. Le pays avait alors un taux de 95,8 % de femmes excisées. Ce chiffre pose une question directe quant au suivi de ce sujet tabou par les autorités canadiennes pour le bien-être de la population immigrante et notamment au besoin d’accompagnement pour contrer la pression de la famille restée en terre d’origine.